Reflet évident
Il n’est pas rare que des personnes aient des devises ou des phrases qui leur servent de repères. Il peut s’agir de quelque chose que l’on ait entendu dans un film, lu dans un livre ou tout simplement, pour les plus intelligents, qu’on a inventé soi-même. Certains puisent les leurs dans la Bible, dans le Coran ou le Talmud. Pour d’autres, on les retrouvera dans les écrits de certains romanciers, de certains penseurs ou simplement dans les répliques cultes du 7ème art. On peut prendre comme exemple cette phrase de Paolo Coelho dans son œuvre L’alchimiste : “Quand on veut une chose, tout l’Univers conspire à nous permettre de réaliser notre rêve.” Ou encore tiré du Petit Prince de Saint-Exupéry « Connaître ce n’est pas démontrer, ni expliquer. C’est accéder à la vision. » Mais il appartient à chacun de définir la sienne. Chaque pays en a une. Pour Madagascar, il s’agit actuellement de « Fitiavana, Tanindrazana, Fandrosoana », tout en précisant que cela change à chaque fois qu’on change de dirigeants politiques. Pour la France, par exemple, on ne connait que trop la formule « Liberté, Egalité, Fraternité ». Quant aux Etats-Unis d’Amérique, peut être ignorons nous le « In God we trust » américain. La devise est tout simplement cette petite phrase, cette brève formule qui caractérise la valeur symbolique d’une chose, d’une personne, d’une entité ou d’un Etat.
Sur ce point, nous avons été stupéfié par le choix des Forces d’intervention de police (Fip) malgache lorsqu’on a pu lire sur les gros camions d’intervention la phrase « Qui ose gagne ». Bien évidemment, il est utile de souligner le fait que la détermination de cette phrase ne dépend d’autre chose que des choix de tout un chacun. Toutefois, cela démontre tout de même l’esprit et les valeurs qui animent ceux ou celles qui les choisissent. On peut prendre en exemple la devise du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale française plus connu sous le sigle Gign. Sa devise est tout simplement « S’engager pour la vie », quelques mots qui en disent long sur le Gign lui-même. Un autre exemple est celui des célèbres Navy Seal de l’armée américaine, ou simplement la principale force spéciale de la marine de guerre des Etats-Unis d’Amérique qui tiennent pour devises non officielles « Prêt à Diriger, Prêt à Suivre, Jamais Quitter », « La seule journée facile c’était hier », « Ça vaut la peine d’être un gagnant », « L’efficacité c’est le silence », « Jamais hors de combat ». Ces exemples étaient nécessaires pour appréhender l’impact que produit la devise choisie par la Fip ou la Force d’intervention de police malgache, « Qui ose gagne ». Si l’on se penche sur cette phrase, on ne peut pas ne pas se demander deux choses : oser quoi ? Et ensuite pour gagner quoi ?
Mais quand on se concentre un peu plus sur la chose, on découvre là-dedans certaines des pratiques de certains des commandeurs au sein de ces entités à Madagascar. En fait, les simples citoyens ont remarqué depuis longtemps qu’au sein des forces de l’ordre et de la police malgache, les récompenses et les promotions ne vont qu’à ceux qui peuvent être gratifiés pour « service rendu » ou obéissance hiérarchique. Initialement, la mission de tous ces corps devrait être la protection de la population et de ses biens. Mais depuis longtemps, les choses ont changé et en atteste cette devise qui orne les camions verts de la Fip. Les brutalités policières n’ont jamais été aussi flagrantes à Madagascar que ces derniers temps. Pourtant, nombreux ont été ceux qui ont lancé un appel à ces derniers afin qu’ils respectent en premier la population, l’ « Andriamanjaka », fait qu’on a tendance à oublier. Mais malheureusement, on en est arrivé à cette période du « qui ose gagne » au sein des forces. Cela n’est qu’une illustration comme une autre de ce qui se passe dans notre pays actuellement. Il est bien vrai que celui qui n’ose rien ne gagnera sûrement rien en retour. Mais de là à en faire une devise des forces de police. C’est un reflet évident de ce qui prime à Madagascar, car peu importe les moyens utilisés, même si c’est la police elle-même, ce qui importe c’est de gagner.
Ny Aina Rahaga