Des efforts perdus
Au-delà du débat sur l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis d’Amérique ainsi que la perception divergente du monde de la nouvelle et la peur que cela a suscité, l’arrivée de ce dernier à la tête de la première puissance mondiale et les conséquences que cela engendrera doivent également être analysées. Plusieurs médias dans le monde ont déjà analysé la situation. Selon Radio France Internationale, l’Afrique a été la grande absente des débats et des discours des deux candidats à la présidentielle américaine. Et c’est bien le cas de le dire car parmi ses conseillers sur la politique étrangère, Donald Trump n’a pas de spécialiste du continent. De quoi susciter quelques inquiétudes sur les grandes lignes de sa politique africaine. Pour le journal LeMonde, l’élection de Donald Trump va tout simplement provoquer un séisme sans pareil dans le monde entier en soulignant que « si le vote pour le Brexit, le 23 juin, a été un séisme pour l’Union européenne, l’élection de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, première puissance militaire, est un séisme pour le monde ».
Le désormais 45ème président des Etats-Unis d’Amérique a fondé sa campagne sur la promesse de « rendre sa grandeur à l’Amérique ». Cette grandeur, cependant, ne s’entend pas par la projection de la puissance américaine à l’extérieur, mais plutôt sur une priorité donnée au retour du bien-être et de la prospérité des américains chez eux. Pour le reste du monde, cela donne un signal de repli et d’isolationnisme. « On sait, en réalité, assez peu de chose sur le programme concret de Donald Trump en politique étrangère car ses conseillers dans ce domaine sont peu connus ». L’establishment washingtonien et le petit monde des think tanks spécialisés dans les relations internationales, qui conseillent habituellement les candidats en politique étrangère, se sont tenus à distance de lui et de ses vues peu orthodoxes. Mais Trump a régulièrement émis quelques idées maîtresses qui donnent un canevas de ce que pourrait être sa diplomatie. On prédit un intérêt certains de Donald Trump pour le continent africain. La concurrence avec la Chine est l’un des éléments qui pourraient pousser Donald Trump à s’intéresser au continent. Durant la campagne, Donald Trump a adopté une attitude de confrontation avec la Chine, et les Etats-Unis sont bien conscients d’être très en retard face à l’offensive chinoise en Afrique, en particulier dans le secteur économique et l’accès aux matières premières. En businessman, Trump devrait adopter une politique pragmatique basée sur les intérêts américains avant tout, économique et sécuritaire, et, en chantre de l’isolationnisme, relayer au second plan les exigences démocratiques. Certains pays africains en froid avec les Usa et qui sont sous le coup des sanctions américaines comme la République démocratique du Congo ou le Burundi seront donc normalement soulagés. Mais qu’en est-il des pays tels que Madagascar dont l’économie est liée en grande partie avec les Usa ?
L’inquiétude malgache devrait surtout se situer dans la continuité ou non de l’Agoa. Donald Trump va-t-il mettre fin à l’Agoa, cet accord de libre-échange signé en 2000 qui facilite l’entrée des marchandises africaines au marché américain ? Après les Etats-Unis, quelle nation a effectué le plus de recherches Google liées aux élections américaines mardi soir ? Réponse de Google Trends : le Ghana. En plus d’avoir de très nombreux ressortissants aux Etats-Unis, le pays d’Afrique de l’Ouest a exporté des millions de dollars de cacao et d’anacarde vers la première économie mondiale en vertu de l’accord Agoa de libre-échange. En ce qui concerne notre pays, on est actuellement le quatrième importateur de textile vers les Etats-Unis. Cette recherche est le signe de l’inquiétude après les déclarations du candidat Trump menaçant de remettre en cause, une fois élu, plusieurs des accords de ce type. Mais contrairement aux accords Alena avec les voisins américains ou le Traité transatlantique, l’Agoa était absent de la campagne, comme toutes les affaires touchant l’Afrique d’ailleurs. Du côté de l’un des plus importants partenaires commerciaux, l’Afrique du Sud, avec 13 milliards de dollars échangés en 2015, on a des doutes sur l’intention réelle de Trump. Car cela risque aussi de gêner les intérêts de grandes entreprises américaines implantées en Afrique. Mais un autre obstacle par rapport à cela est le Congrès américain. Dominé par le camp républicain, il a reconduit l’Agoa jusqu’en 2025. Mais là encore, rien ne dit que Trump entend revenir sur l’accord. Plus inquiétante pour l’Afrique serait juste la remise en cause répétée par Trump de l’aide au développement ou encore de l’accord mondial sur le climat. Cela reviendrait pour Madagascar à des efforts perdus depuis longtemps.
Ny Aina Rahaga