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Vendredi 29 Novembre 2024

ombre

Betsiaka – Ambilobe – Sur la piste des pirates de l’or

L’interprète des Chinois qui soutient que l’exploitation ne commence pas encore…

Comme ce qui s’est passé pour le cas de Bealanana, ce sont des sonnettes d’alarme, émanant des gens originaires d’Ambilobe et faisant état

…mais sur le terrain, les engins en pleine action parlent d’eux-mêmes

d’exploitations aurifères en dehors de tout contrôle, qui ont amené les journalistes du Mouvement pour la liberté d’expression (Mle) à mener des investigations dans la Commune rurale de Betsiaka, située dans Région de Diana, à la pointe Nord de l’île. Sur place, il est apparu que tous les ingrédients étaient réunis pour parler de l’existence de véritables « pirates de l’or », ces derniers non seulement exploitent un périmètre attribué à autrui, mais se livrent aussi à de véritables rackets sur les petits exploitants locaux. Les produits ainsi collectés sont alors embarqués périodiquement par hélicoptère pour une destination inconnue. Encore une fois, des opérateurs chinois se retrouvent mêlés à ce scandale, mais aussi une société  malgache du nom de « Madagascar Mining » dirigée par un certain T.B., un originaire de la région qui semble être le grand manitou dans l’affaire.

 

Une fois à Ambilobe, localiser l’endroit où l’on peut trouver l’exploitation en question ne présente aucune difficulté, la population locale sait d’emblée de quoi il s’agit dès qu’on aborde le sujet en quelques mots. Le campement des Chinois est repérable de très loin, avec leurs gros engins prêts à s’ébranler. Comme il fallait s’y attendre, la récolte d’informations n’a pas été des plus faciles car même les prises d’images et de son ont été interdites. C’est donc en caméra et micro cachés que s’est effectué l’entretien avec la Dame V., l’interprète des exploitants chinois. L’on ne sait s’il s’agissait d’une consigne qui lui a été donnée ou c’était par simple crainte, mais cette dernière a refusé catégoriquement de donner le moindre renseignement sur la société qui l’emploie (dénomination, effectif). Malgré les évidences, elle a soutenu que l’exploitation n’a pas encore commencé. Ce qui sera contredit par la réalité sur le terrain.

C’est sur indications des habitants que la carrière proprement dite a été repérée et c’est là qu’ont été surpris des matériels d’extraction tournant déjà à plein régime. L’employé rencontré sur place, plus coopératif que sa collègue interprète, a alors révélé l’existence de « problèmes » avec la population locale, celle-ci s’opposant à l’installation des Chinois sur les terrains qu’elle exploite depuis longtemps. L’on apprend en effet que, il y a environ trois mois, des manifestations en ce sens s’étaient déjà tenues et c’est ce qui explique que l’exploitation mécanique se limite, pour l’instant, sur une surface limitée en bordure d’un cours d’eau. Ce, en attendant que  « les habitants se calment »… Quant aux ressortissants chinois qui ont pu être croisés aux environs, ils prétendront ne parler ni le français, ni l’anglais et encore moins, bien évidemment, le malgache. Chose curieuse cependant, lorsqu’il leur a été annoncé  -  dans la langue de Rabearivelo  -  que le reportage qui est effectué va être diffusé partout dans le monde, ces descendants de Mao ont tout de suite compris et se sont empressés d’essayer d’amadouer l’équipe de journalistes.

Si, à ce stade, il est bel et bien établi que l’entreprise chinoise se livre à une exploitation aurifère à Betsiaka, jusque-là, les recherches menées en son sein en vue de connaître la manière dont elle a pu s’y installer sont restées infructueuses. Visiblement,  le mot d’ordre semble être  « pour vivre heureux, vivons cachés ». Il a donc fallu orienter les investigations vers les notables du fokontany d’Andrafialava, la petite localité abritant la carrière exploitée. Et ce n’est que là que  certains points, mais pas tous, se sont éclaircis. Comme à Soamahamanina et Bealanana, les impacts sur le plan social et celui environnemental sont dramatiques.

 

 

Permis d’exploitation « piraté »

Le directeur général de Kraoma confirme

Arsène Rakotoarison, Directeur général de la Kraoma: « j’ai déjà donné l’ordre de tout arrêter »

Le périmètre aurifère de Betsiaka dispose effectivement d’un permis d’exploitation, mais celui-ci a été délivré au profit de la « Kraomita Malagasy » ou Kraoma, une société à participation majoritaire de l’Etat. Selon le directeur général (Dg) de cette dernière, Arsène Rakotoarisoa, un accord aurait été passé avec une association d’exploitants pour l’exploitation à titre provisoire dudit périmètre. Il est avéré cependant que les membres de l’association dont il s’agit, à l’insu de Kraoma, font travailler d’autres personnes pour l’exploitation proprement dite. Et c’est par ce biais que se serait infiltrée « Madagascar Mining », une société dirigée par un Malgache originaire de la Région même. Ce serait cette entreprise qui, à son tour, aurait fait appel aux Chinois, mais aussi à d’autres ressortissants étrangers comme des Arabes, d’après toujours le Dg de la Kraoma. Autrement dit, le permis d’exploitation octroyé à Kraoma a été « piraté ».

Arsène Rakotoarisoa de soutenir qu’il s’est déjà personnellement rendu à Ambilobe pour mettre le holà sur cette situation en rappelant que la Kraoma n’a jamais passé un quelconque accord avec les exploitants de fait, dont « Madagascar Mining » donc. Et lui de révéler au  passage le racket dont les petits exploitants font  l’objet puisqu’« on » leur prélèverait la moitié de leurs produits, l’on ne sait à quel titre. Et c’est toujours le Dg de la Kraoma de rapporter les témoignages sur le fameux hélicoptère qui charge périodiquement des cargaisons d’or à Betsiaka. Une opération qu’il aurait déjà formellement interdite dorénavant selon ses dires, de même que toute sortie d’or de la carrière de Betsiaka.

 

 

« Madagascar Mining »

Sécurisation par des militaires, hélicoptères pour embarquer l’or

La voiture du maire de Betsiaka, devant le siège de la société Madagascar Mining. L’élu s’est eclipsé à notre arrivée

C’est au niveau des habitants du Fokontany d’Andrafialava qu’on a appris que le principal dirigeant de la société exploitante, « Madagascar Mining » de sa dénomination sociale, serait un certain T.B., un ressortissant malgache qui aurait des accointances avec de hauts dirigeants actuels. L’entreprise en question dispose bien d’une antenne à Betsiaka mais, officiellement, elle déclare œuvrer principalement dans le… social et non dans l’exploitation minière comme son nom l’indique. Pour une entité ayant pour activité les œuvres caritatives, il y a une bizarrerie : son local est sécurisé par des… militaires armés. Dans tous les cas, c’est de là qu’un hélicoptère viendrait régulièrement prendre livraison de cargaisons d’or dont on ignore la quantité. Le dernier embarquement, selon les témoignages, daterait de la veille du passage de l’équipe de journalistes du Mle.

 

 

 

 

 

Villageois d’Andrafialava

Mis devant le fait accompli, dépouillés de leurs terres, et peut-être pour toujours

La montagne de Mantalimaro, aussi connue sous l’appellation de « Tonelim-bazaha ». Une des plus importantes zones aurifères de Madagascar que les Chinois ont exploitée depuis environ deux ans.

Les habitants du Fokontany d’Andrafialava sont formels : à aucun moment, ils n’ont été approchés par qui que ce soit pour les consulter, ni même pour les informer, de la venue des exploitants chinois. Or, selon toujours ces riverains, même le terrain où est installée la base-vie de ces derniers est une rizière appartenant à des membres du « fokonolona » local. Et eux de soupçonner leur chef de Fokontany d’être au courant des tenants et aboutissants de l’exploitation, mais celui-ci, approché, refuserait de leur révéler quoi que ce soit. Ceci, tout en n’excluant nullement l’implication des plus hautes hiérarchies dans la facilitation de l’entrée de ces exploitants étrangers sur leurs terres. En attendant, ces propriétaires spoliés de dénoncer la transformation de leurs rizières en paysage lunaire et déclarent n’avoir qu’un mince espoir qu’elles soient encore exploitables une fois ces derniers partis.

 

 

 

 

 

Abriter une des plus grandes zones aurifères du pays ne semble pas profiter au fokontany d’Andrafialava

Le fokontany d’Andrafialava, dans la Commune rurale de Betsiaka, fait partie de la chaîne d’Andavakoera, laquelle est située dans le Nord de l’île, à 150 km au sud d’Antsiranana et à 25 km à l’est d’Ambilobe. Le secteur aurifère couvre les Communes rurales de Betsiaka, d’Ambakirano, de Ranomafana, d’Ambatobe et d’Anjavivy. Selon le plan directeur du ministère de l’Energie et des Mines, de 1906 à 1934 c’est-à-dire en 28 ans, la production d’or du secteur a été de 7 285 kg, soit une moyenne de 21 kg par mois. Des richesses qui ont été accaparées par des pirates et n’ont nullement profité à la localité, comme en témoigne l’état de sous-développement de cette dernière.

 

 

 

 

« On ne sait absolument rien de cette exploitation », soutient cet employé
du District d’Ambilobe, tout en précisant que « le chef de District ne nous en a pas parlé, il n’est pas tenu de nous rendre compte »

« La moindre des choses eut été que des représentants des autorités concernés introduisent les nouveaux venus aux habitants », dixit l’ancien maire de Betsiaka

« On craint fort que nos terres soient inexploitables après le départ des Chinois »

« On nous a fait faire le va-et-vient pendant trois jours pour rencontrer le DG de la société qui est toujours introuvable »

« Personne n’est venu nous consulter, ou seulement nous informer de la venue de ces étrangers »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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