Proche-Orient – Ariel Sharon, le « Warrior », est mort
Il était enfermé depuis huit ans dans un coma profond, trahi par cette force physique qui l’avait propulsé en première ligne aux premières heures d’Israël. Samedi 11 janvier, l’ancien premier ministre Ariel Sharon est mort, âgé de 85 ans, ont annoncé les médias israéliens. Il sera inhumé lundi après-midi près de sa résidence, la « Ferme des sycomores », située dans le sud du pays. Le 4 janvier 2006, le vieux guerrier n’avait pu repousser une violente attaque cérébrale, à quelques mois d’élections cruciales en préparation desquelles il avait rompu avec sa famille politique, le Likoud, et créé un parti centriste destiné à sortir Israël d’un statu quo mortifère avec les Palestiniens. Ariel Sharon avait ainsi été écarté du pouvoir alors qu’il était au faîte de sa popularité, enfin reconnu pour des qualités qui lui avaient été longtemps déniées : le sens des responsabilités historiques, un certain pragmatisme, une forme d’audace politique et la capacité de s’affranchir de carcans du passé. Ce cheminement n’avait rien d’évident, même si le général devenu premier ministre n’appartenait pas historiquement au camp dit révisionniste, hostile au partage de la Palestine mandataire entre un Etat juif et un Etat arabe, voté par l’ONU en novembre 1947. Un courant politique partisan au contraire d’un grand Israël étendu jusqu’aux confins du royaume concédé à la dynastie hachémite, à l’est du Jourdain. Né dans le Yichouv (implantation juive dans la Palestine d’avant 1947), à Kfar Malal, le 26 février 1928, dans une famille venue d’Europe centrale, Ariel Sharon avait été marqué pendant son enfance par la montée des tensions entre les autochtones arabes et les migrants juifs des aliyas (« émigration en Israël ») successives. Cette vision tragique de l’Histoire sera confortée plus tard par des drames familiaux : la mort de sa première femme dans un accident de voiture (il se remariera avec la sœur de cette dernière), et celle de son premier fils, victime à son domicile d’un tir accidentel perpétré par l’un de ses deux demi-frères. Pendant la guerre d’indépendance, en 1948, il se fait remarquer par sa combativité et c’est donc à lui qu’est confiée en 1953 l’unité 101 chargée de conduire des représailles après les coups de main palestiniens à partir de la Jordanie, de l’Egypte ou de Gaza. Controversée, notamment après le massacre de civils à Qibya, en Jordanie, cette unité rattachée directement au chef d’état-major sera dissoute en 1954 dans un corps de parachutistes dont Ariel Sharon prend le commandement.
OFFENSIVES PRÉVENTIVES
A chacun des grands conflits qui marquent par la suite l’histoire d’Israël, il se fait remarquer par son habileté tactique, notamment dans le Sinaï égyptien, en 1967 et en 1973. Il s’illustre également par sa brutalité lorsqu’il entreprend de « pacifier » Gaza à partir de 1971, sans grand succès durable. La stratégie militaire israélienne qui consiste, compte tenu de l’exiguïté du territoire national, à déplacer le combat sur le terrain de l’adversaire par le biais d’offensives préventives lui convient parfaitement, mais elle ne lui permet pas pour autant de se concilier les bonnes grâces de l’état-major, qui se défie d’un soldat prompt à s’affranchir des consignes. Ariel Sharon en tire les conséquences en quittant la carrière militaire après la guerre de Kippour (octobre 1973) pour se lancer dans l’agriculture, mais aussi et surtout en politique.