Tout en désordre !
Rappelons d’abord les faits de ces derniers temps : vindicte populaire, violence policière provoquant la mort, et entre autres, bavures en tout genre de la part des forces de l’ordre !
Il y a quelques mois, la population d’Ankazomborona, une petite commune du district de Marovoay mais qui se trouve sur la nationale 4 reliant la Capitale à la cité des fleurs de Mahajanga, s’est revolté et a pris d’assaut le bureau et le camp de la Gendarmerie locale. En résumé, un dénommé Zefa, accompagné de son ami Dada, s’est battu contre un autre qui s’appelle Jean-Paul à la sortie d’un bal, mais malgré son évacuation à l’hôpital de Mahajanga, ce dernier est décédé. Dada a été arrêté en premier par la gendarmerie et transféré vite fait à la Capitale de cette province. Quand Zefa était, à son tour, tombé entre les mains des forces de l’ordre, mais la population qui n’a aucunement confiance à la Justice, le veut aussi. Le résultat est déjà annoncé plus haut : saccage du bureau sauf celui du magasin d’arme, et sanction d’extrême préjudice pour Zefa. Deux semaines plus tard, c’est au tour de la ville de Maroantsetra de connaître la même effervescence et de nouveau, l’autorité de l’Etat est mise à terre. Cette fois-ci, c’est une histoire d’un opérateur de vanille qui s’est déjà acquitté de ses dettes mais dont un autre opérateur les réclame toujours, et apparemment, avec le soutien des responsables locaux. Résultat : des morts, des blessés, et le bureau du district saccagé tandis que les matériels informatiques ont été détruits. Et toujours sur la côte est mais un peu plus bas de la carte, la même ébullition a été constatée après qu’une femme a jeté de la viande de porc dans un lieu sacré. C’était à Mananjary au début de ce mois. « Appréhendée par une horde d’individus en furie après son geste, qualifié d’affront, la femme clouée au pilori, a été conduite au palais « Tranobe Satrokefa », situé non loin, où siège le doyen des rois Antambahoaka en exercice. Soumise au feu roulant des questions, elle aurait indiqué que l’apostolique mission d’évangélisation, d’éclairer les hommes pour qu’ils marchent vers Dieu, et renoncent à toute autre croyance ou vénération, lui aurait été confiée. Après que ses bourreaux lui ont tiré les vers du nez, ils l’ont ensuite conduite sur la plage à Anosinakoho, où elle a été battue avant d’être brûlée. Les forces de l’ordre étaient impuissantes face à toute cette violence », a décrit un quotidien de la place. Une semaine après, c’est au tour de la Capitale de Madagascar de trembler. Un militaire et sa femme enceinte de 8 mois ont été tabassés par les agents de la Police Municipale chargés de l’assainissement des marchands ambulants. En quelques minutes, deux camions pleins de militaires armés ont déboulés le long de l’Avenue de l’Indépendance pour prendre position devant le portail de l’Hôtel de Ville et l’arrivée du numéro trois de l’Etat-Major général de l’armée a fait monter d’un cran la tension. Bilan : 34 agents de la police municipale de la Cua font le va-et-vient entre leur caserne à Anosipatrana et le bureau de la brigade de la gendarmerie de Tana pour enquête mais on sait que certains d’entre eux vont passer devant le Parquet d’Antananarivo. Entre parenthèses, certains observateurs estiment qu’il s’agit d’un avertissement clair lancé à l’endroit de la Maire et surtout, de son conseiller spécial ! On avance que les blessures reçus des années du régime Ravalomanana ne se sont pas du tout cicatrisés et si on y ajoute l’arrogance et la provocation incessante de ce dernier, le moindre éternuement pourra ainsi être interprété comme un signal.
Et pas plus tard qu’au milieu de la semaine dernière, une autre histoire de violence policière a secoué la périphérie nord d’Antananarivo. Des policiers auraient tabassé un docker sous la fallacieuse prétexte de lutte contre la drogue et ce dernier a rendu l’âme le jour suivant. Le service de la communication de la police nationale a beau essayé de rattraper la bourde mais rien n’y fit, d’autant que la population a clairement une opinion toute faite des forces de l’ordre dans notre pays. Ouf !
En tout cas, la liste de ces bavures et vindictes populaires de ces derniers mois est longue, et ce ne sont des exemples tirés parmi les centaines qui se déroulent sous les yeux des autorités et autres responsables du pays. En réponse, ces derniers affirment haut et fort qu’un Etat existe et qu’on doit respecter la loi. Et pourtant, la population réagit au quart de tour en réclamant la même sentence sans passer par les cases enquêtes et procès. D’où la conclusion que comme on dit que tout chemin mène à Rome, le manque de confiance en la Justice, le choc entre deux cultures dont l’extrême christianisme et celle qui prône les valeurs ancestrales, et surtout la corruption des autorités et de l’administration publique, ne conduisent qu’à un seul et unique : tout de suite la punition extrême !
Jean Luc RAHAGA