Au feu les vieilles nippes
La République se prépare à s’habiller de neuf. Maintenant que le suspense est levé, les événements vont se succéder à un rythme rapide. Ce n’est pas parce que les choses semblent s’accélérer d’elles-mêmes qu’elles doivent mettre une pression qui oblige à faire dans la précipitation et à en faire oublier les essentiels. Ce n’est pas tant parce que la République change de numérotation qu’elle va comme par miracle en flambant neuf opérer la transformation du cadre de vie que population et opinion attendent. Il appartient aux responsables de nouveaux mandats de commencer par procéder à une mue sur eux-mêmes. Ils vont revêtir des habits neufs de leur fonction respective, rien ne sera s’ils enfilent leur tenue comme pour un simple apparat par-dessus les vieilles hardes, des sortes de secondes peaux, banales pour bon nombre d’acteurs politiques. Ce n’est pas parce que l’on donne un nouveau style aux manières de procéder que l’on peut prétendre à une opération de changement, c’est de l’état d’esprit qui a présidé à l’action stérile pour le pays qu’il faut se débarrasser. Le constat sur le fait que l’on n’a cessé de tourner en rond de 1960 à ce jour fait l’unanimité, à l’exception de ceux qui dressent un bilan plus pessimiste encore. Le style a pourtant varié entre pseudo socialisme hard et libéralisme débridé voire sauvage. Au-delà des costumes de scène, prétexte à de simples discours de rôle, pour arriver à des résultats aussi négatifs que cette pauvreté dans laquelle baigne une grande majorité de la population, il existe nécessairement un dénominateur commun à tous ces systèmes qui ont tous déclaré chercher le bonheur du peuple et qui n’ont réussi qu’à entretenir la population dans une survie au milieu d’un océan de médiocrité et de difficultés. Les cinq années de transition n’ont peut-être pas fait avancer les choses, mais il s’agit d’en tirer profit. Jamais encore le combat politique (politicien) n’est apparu avec une telle âpreté, circonstance défavorable à l’action mais qui avec le recul prête grandement à la réflexion. Les qualités des actions et des acteurs ont été noyées dans des batailles stériles, alors qu’un simple regard dans le rétroviseur suffit à voir en 3D nombre de défauts et d’erreurs, et ce sont ces erreurs et défauts qui interpellent afin d’apporter corrections et remèdes non tant aux méthodes qu’aux comportements et état d’esprit. Un regard impartial conduirait sûrement à ne pas dédouaner de la responsabilité de cette minable situation dans laquelle croupit le pays, les opposants aux systèmes successifs du pouvoir. Les diverses oppositions ont manifesté une coupable inclination à mener un combat hors de l’arène du droit, soit en méconnaissant le régime en place, soit en méconnaissant la loi. Deux tentations actuelles encore : la tentation de quelques forces (!) politiques qui montrent une indifférence par inertie à la solution adoptée pour sortir de la crise, et celle qui s’engage dans une résistance en entreprenant des initiatives hors légalité. On connait l’argument utilisé pour plaider en ces sens, il se résume à prétendre qu’il est utopique à vouloir combattre la tricherie en ne respectant que la seule loi des tricheurs. Le peuple le sait bien, il n’ignore pas qu’il doit le sort qu’il vit à un engrenage de crises et d’alternance de tricheries. A faire de la triche pour combattre la triche on s’enferme dans le cercle vicieux que l’on connait et que l’on n’a pas encore fini de rompre. Les 50% d’abstention, la tendance en faveur des « candidatures indépendantes », à défaut de constituer de vrais messages, sont des signes d’une défiance à l’endroit des acteurs politiques organisés en faveur des occasionnels et autres francs-tireurs. Cette tendance entraine le pays dans une nouvelle expérience, celle de laisser la politique, c’est-à-dire la direction des affaires publiques à des personnes qui ne s’y étaient pas préparées au sein d’organisations qui en font vocation et leur seule raison d’être. Laisser aux circonstances le soin de désigner des « dirigeants par hasard », n’a réussi que dans des cas exceptionnels. A des « hommes exceptionnels » la brève histoire des républiques qui se sont succédé a suffisamment donné. Le nouveau Président de la République, Hery Rajaonarimampianina, bénéficie d’un grand avantage, celui de ne pas accéder à la fonction comme un homme d’exception, tel celui que l’on attendait d’une révélation, mais d’y parvenir en citoyen comme tant d’autres. Considération qui n’allège pas ses responsabilités, au contraire il a la charge de réussir afin de donner en prime à la démocratie la preuve que de tous les systèmes elle est la moins pire : une société donnée possède en son sein des individus sains et normaux pour diriger et défendre les intérêts normaux de cette société, et il appartient seul à la société de leur confier un mandat.
Léon Razafitrimo