Une assemblée de « nègres » (ainsi que nombreux le pensent dans le profond secret d’une âme noire), a apporté les suffrages en faveur d’une femme pour confier à celle-ci  la fonction de Président de la Transition, Chef de l’Etat de Centrafrique. Cette assemblée composée en grande majorité d’hommes, a franchi le Rubicon et ainsi a projeté  dans l’ère de son temps, ère de la modernité, une société que l’on dit pourtant primitive et au sein de laquelle règne un état d’esprit machiste plutôt rétrograde. Ils ont osé, ils ont en partie réussi, les commentaires tant des médias que des simples gens de rue témoignent que cet événement a comme par magie libéré la parole et révélé au grand jour les convictions intimes d’une majorité quant à reconnaitre des qualités particulières aux femmes. Nombreux caressaient, tapie au fond d’eux-mêmes cette idée difficile à exprimer du simple fait qu’elle bouscule et bouleverse l’« ordre établi », tel est le propre d’une idée révolutionnaire. 
Cette révolution en apparence opérée en douceur en Centrafrique risque de bousculer bien plus d’us qu’on ne l’imagine. L’accueil enthousiaste que la population a fait à l’avènement d’une femme au pouvoir et les avis élogieux à l’adresse de l’heureuse élue et de la gent féminine en général constituent a contrario autant de gifles à l’endroit des hommes. La classe politique en général en a reçu plein pour son grade. Le sexe mâle en particulier, sans que l’on n’ait eu l’air d’y toucher, a été particulièrement épinglé. Quand la sagesse publique parle d’une moindre inclination des femmes à se corrompre avec la corruption, ou constate que les femmes résistent mieux à la tentation de l’usage de la violence, les ripoux qui ont pillé le pays et les va-t-en-guerre qui viennent de le mettre à feu et à sang, doivent se sentir à l’étroit dans leurs bottes et dans leur froc. 
Rien ne dit que se sentant pousser des ailes, nombreuses femmes ne vont pas essayer de rétablir dans leur foyer respectif un autre équilibre des pouvoirs, et que le temps d’un rodage de ce nouveau rapport elles ne vont pas entreprendre une guerre froide puisqu’en majorité elles répugnent recourir à la violence. 
Ces événements au-delà du Canal n’ont pour autant ni à faire revenir ici sur les événements que l’on vient de dépasser ni à refaire l’histoire. Madagascar entame une voie pour sortir de la crise, et le peuple a désormais son Président de la République. Il n’y a pas à revenir dessus. Il n’y a pas non plus à vouloir tirer des leçons à partir de l’expérience d’autres qui entreprennent à peine leur transition sur un autre modèle. Modèle qui couronné d’une réussite ou sanctionné par un échec ne servira pas nécessairement de repère au peuple malgache, puisque de bien entendu de Transition ce peuple n’en connaitra plus. 
Cependant dans la marche que l’on va entreprendre, parmi tant d’autres changements à opérer, on ne saurait oublier que dans la recherche d’un développement harmonieux la question relative aux genres demeure un sujet que ni la politique ni la mentalité au quotidien n’ont résolu. Ce n’est pas faute aux militantes pour l’égalité qui quoique très actives semblent pédaler dans le vide. Tout simplement peut-être c’est que le vrai débat n’a pas commencé. La population a mûri, elle ne se satisfait plus de slogan, elle veut débattre du pourquoi, du vers quoi et du comment. Suite à une campagne de sensibilisation la mobilisation ne peut faire l’économie d’une phase de réflexion discursive indispensable avant l’adhésion à une conviction.

Léon Razafitrimo