D’une pierre Hery Rajaonarimampianina a fait deux coups, un solennel serment devant la Haute Cour Constitutionnelle et un engagement contractuel devant le peuple. Le ton grave pour prêter serment a été contagieux d’une intense émotion au sein du public présent et sans doute aux centaines de milliers de personnes qui ont suivi la cérémonie sur les ondes, la vibrante détermination pour transmettre un premier message à travers un discours fleuve a conquis une grande partie de l’opinion pour accorder une crédibilité à la sincérité des engagements. 
Pour ou contre son programme, seule une mauvaise foi conduirait à nier l’apparition d’une face  mal connue jusque-là de Hery Rajaonarimampianina et de ne pas admettre la naissance d’un Président. L’homme a rapidement donné l’empreinte de son style, même si ici et là on a pu déceler des petits détails de gaucherie que justifie l’enthousiasme en raison d’une nouveauté que l’on étrenne. Le Président n’a pas fait de la cérémonie une simple formalité où le décorum prime sur le fond, il a livré sans réserve ce que Hery Rajaonarimampianina président sera ou devra être et doit réussir, et à certains endroits il s’est même imposé un calendrier pour atteindre des objectifs précis : initiative téméraire pourrait-on penser que de se mettre soi-même la pression. Hery Rajaonarimampianina a inauguré son mandat en tenant un discours que n’aurait renié aucun candidat pour faire campagne, la différence c’est que durant la campagne ça aurait eu le mérite de n’être que des promesses alors qu’en la circonstance le discours prend valeur d’un engagement solennel devant la nation avec en témoin la communauté internationale.
Désormais on attend du Président Rajaonarimampianina l’efficacité, et si l’on ne doit retenir qu’un exemple l’opinion attend sûrement le retour à l’ordre et à la sécurité. Il s’est promis de s’en donner les moyens, le premier qui a marqué les esprits étant le plus difficile, l’éradication de la corruption, et la population en attend des effets rapides dans les signes d’un rétablissement de la sécurité publique. Dans l’esprit populaire tout se mêle, corruption, insécurité, absence d’autorité de l’Etat… Aussi le cœur de la population a vibré lorsque le Président a exprimé le rôle qu’il entend donner aux forces armées, un schéma qui réconcilierait le peuple avec l’armée, la gendarmerie et la police. Les forces armées constitueront dorénavant non seulement le dernier rempart (aro-vozona) mais aussi le fer de lance (lefona). La population vit le sentiment que les forces armées ont été utilisées pour servir de rempart au pouvoir plus qu’à la protection du peuple, et que l’on a négligé leur rôle de fer de lance contre l’insécurité.  Les précisions qu’a données le Président rétablissent une idée d’une priorité à l’ordre, un ordre public et l’ordre républicain.
Au-delà des réactions généralement positives dans l’opinion, il demeure des points de dissidence que soulèvent des opposants de tous bords, principalement sur la question de la formation du gouvernement. L’état de grâce, dont bénéficie, dit-on, tout nouveau président, jouera-t-il en faveur de la vision que le Président a esquissée de façon incidente, (« le gouvernement que je formerai ») alors que sourde une bataille concernant le mode de désignation du Premier ministre. Alors que le combat politique se poursuit sur ce propos et concernant bien d’autres, ce qui n’est que normal et même souhaitable à condition que chacun respecte les règles du jeu, le Président sans tout à fait en définir les limites entend mener une politique d’ouverture sans doute dans le dessein de rétablir un climat de sérénité nécessaire à l’entreprise de rétablissement en nombreux domaines, tâche ardue qui l’attend et qui promet encore bien d’efforts et de sacrifices.


Léon Razafitrimo