Lorsque l’enfant parait…
« Lorsque l’enfant parait le cercle de famille applaudit à grands cris » et s’agrandit. Traditionnellement les Malgaches donnent à leurs dirigeants le statut de « raiamandreny », qu’à cela ne tienne. Une démarche que cite un adage du pays, « tsy hita izay maha ratsy azy…», enseigne que lorsque l’on ne décèle pas où le bât blesse concernant une pratique il faut en garder l’usage. Sagesse seulement à mi-parcours peut-être si l’on entend donner aux principes un rôle positif dans le sens d’une évolution. Est-ce que ça serait une trahison que d’interpréter de manière active cet enseignement en l’analysant comme une forme d’euphémisme qui dirait en clair « hita ny maha tsara azy » (puisque l’on y trouve les bienfaits). L’avantage de cette approche consisterait à reproduire des résultats par la pratique enseignée et de faire de ces résultats un objectif, sans se satisfaire du respect du simple usage de la formule. Dans la philosophie de vie des Malgaches le « raiamandreny » englobe par essence les qualités que la doctrine en droit français résume dans l’expression « bon père de famille », expression consacrée comme une référence, « bpf » (presqu’à l’inverse du « beauf » qui cristallise tant de tares). Depuis le Samedi 25 Janvier 2014 Hery Rajaonarimampianina est désormais un « Raiamandreny » pour toutes les personnes du pays et ce pour une durée de cinq ans. En retour l’intégralité de la population se trouve en droit d’attendre de lui une conduite de l’Etat et des affaires publiques selon les règles qui s’imposent à un BPF, et il a à en rendre compte. Là se trouve toute une différence avec l’entendement traditionnel concernant le « raiamandreny ». Le concept de la famille éloigne quelque peu de la démocratie par son mode de fonctionnement. Le « raiamandreny », depuis la 1ère République jusqu’à aujourd’hui à l’apparition d’une ère nouvelle qu’inaugure la 4ième du nom, exerce son mandat dans le cadre du statut que définit la constitution. Tout un mécanisme garantit aux « enfants de la patrie » l’assurance d’une conduite des affaires publiques par le BPF, c’est sans doute la raison qui permet à une thèse de soutenir qu’il n’existe pas en soi une mauvaise constitution et que tout se réduit à des nuances simple affaire de goût et que seule l’application conditionne les résultats. La constitution comme les précédentes, accorde une priorité à la démocratie par la consécration d’un système républicain. Qu’elle ait donné sa préférence à un régime plutôt parlementaire qu’à un régime franchement présidentiel, le fonctionnement entend instituer un équilibre des pouvoirs pour éviter les dérives qui menacent déjà d’une guéguerre par les manières d’interpréter les textes. Le Premier ministre Omer Beriziky a levé une ambigüité d’Etat, en livrant ce que certains peuvent lui reprocher en l’accusant d’avoir livré à la pâture un secret d’Etat qui n’a en réalité de valeur qu’à être un secret d’alcôve relatif à une affaire d’Etat : le mode de désignation du Premier ministre au sein de l’Assemblée Nationale n’a pas fait l’objet d’un décret comme l’a cru le public, il ne s’est agi que de l’interprétation faite par deux ministres lors d’un conseil. Ici déjà apparait la primauté que l’on accorde au principe selon lequel personne ne se trouve au-dessus de la loi. Le club des « raiamandreny » (le Président est le premier d’entre eux, mais la notion l’élargit à d’autres responsables), ne saurait trouver un arrangement pour bricoler une interprétation de la loi, seule la juridiction compétente peut donner une lecture de la loi. Et le grand « raiamandreny » lui-même en tant que gardien de la constitution est tenu de s’en référer pour mieux assumer son rôle et assurer une fidélité de tous à cette constitution, engagement qu’il a pris solennellement lors de la prestation de serment. Naturellement lorsque l’enfant parait la famille s’agrandit. Plus celle-ci s’élargit plus il y aura de bons que de mauvais enfants. C’est souvent à cet endroit que le ver s’infiltre dans le fruit, aussi le BPF se doit de faire la différence avec le simple père de famille en sachant effectuer le tri entre le bon grain et la mauvaise graine. « Raiamandreny » inclut dans l’expression tant le rôle du père que les prérogatives de la mère et pour revenir à la sagacité des ancêtres tirée d’une sage humilité à observer les règles de la nature, ceux-ci reconnaissent aux parents l’obligation de réagir et le droit de sévir en rappelant un simple constat « na ny reny mampinono aza manakifika ny zaza manaikitra », même la mère qui allaite repousse l’enfant qui mord le sein.
Léon Razafitrimo