Entretien routier à Madagascar – Crise politique, désordre administratif, absence de moyens financiers : les routes dans un état catastrophique
Sur les 50 000 km du réseau routier existant à Madagascar, seuls 30 000 km sont praticables ces dernières années. Et encore, ces chiffres provenant des résultats d’enquêtes réalisées par le Guide de protection routière contre les inondations à Madagascar (GPRCIM) relèveraient encore d’un certain euphémisme car la réalité est autrement pire. Chaque année, près de 300 km de route sont détruites. Les passages cycloniques, la vétusté des infrastructures routières, l’absence des normes et le manque d’entretien sont essentiellement les facteurs de dégradation du réseau routier de la Grande Ile. Au cours du premier mandat du Président Marc Ravalomanana, l’Etat malgache a priorisé la réhabilitation et l’amélioration du réseau routier comme base du développement économique et social du pays, avec un vaste programme routier. Cette politique n’a pas pu être poursuivie après l’avènement de la transition.
Actuellement, le ministère des Travaux publics et de la Météorologie (MTPM) et le Fonds d’entretien routier (FER) font face à de graves difficultés pour la préservation du patrimoine routier. En effet, les tâches afférentes à l’entretien des routes sont en grande partie partagées entre ces deux entités. Ainsi, si le ministère des Travaux publics s’occupe du côté technique, le Fonds d’entretien routier, quant à lui, prend en charge le financement des travaux. Depuis maintenant près de quatre ans, l’état des routes à Madagascar a connu une nette dégradation, affectant ainsi les activités économiques et sociales dans le pays. Les nids de poules dans les rues de la Capitale comme sur les routes nationales s’agrandissent à vue d’œil, le mauvais état des autres axes routiers s’aggrave de plus en plus et les projets de réhabilitation et de construction sont suspendus. Cette année encore, la situation dans le pays reste incertaine.
Les redevances impayées
Le manque de moyens financiers est le principal obstacle pour la réhabilitation et l’entretien des routes en ce moment. Selon les explications avancées par le secrétaire général du FER, Benintany Randimby, le Fonds traverse de grandes difficultés depuis l’année 2010. Celui-ci déplore largement le non-paiement des redevances pour l’entretien routier (RER), dont doivent s’acquitter les compagnies pétrolières et qui constituent pourtant la majeure partie des ressources propres du FER. En effet, ce dernier s’occupe de la gestion du portefeuille des travaux d’entretien routier. Celui-ci dispose de deux principales ressources pour financer les travaux, à savoir d’une part les ressources propres du FER constituées essentiellement des RER, les contributions des Provinces autonomes, Communes urbaines et rurales et, d’autre part les redevances des usagers de la route. Ces fonds sont destinés à la réalisation des travaux d’entretien routier dans les Provinces autonomes et les Communes urbaines et rurales. A part ses ressources propres, le FER peut aussi compter sur les ressources affectées composées des financements de l’Etat à travers le ministère des Travaux publics et ceux des bailleurs de fonds ; ces ressources sont destinées à la réalisation des programmes d’entretien routier sur le territoire national. 80% du fonds du FER provient de ses ressources propres, le reste est assuré par les ressources affectées.
FER : un gap de 100 millions d’ariary
Benintany Randimby a apporté de plus amples explications concernant la répercussion du non-paiement des RER sur le fonctionnement du FER ces trois dernières années. Depuis 2010, les compagnies pétrolières n’ont pas respecté le versement de ces redevances, entrainant ainsi des impayés. « Actuellement, seules les redevances de l’année 2010 ont été réglées par les compagnies pétrolières. Il existe encore des arriérés de 10 milliards d’ariary au titre de l’année 2011. Au total le gap entraîné par le non-paiement des RER atteint les 100 milliards d’ariary au cours des trois dernières années », a indiqué le secrétaire général du FER.
Pour poursuivre sa politique sur les grands travaux routiers, l’Etat a révisé à la hausse de 3,5% le taux de redevance pour l’entretien routier prévue sur les carburants en 2006. A cette période, le gouvernement a prévu que ce taux atteindra les 10% en 2012. Mais le mode de paiement de la redevance a changé depuis l’avènement de la Transition. Depuis 2010, année où les difficultés liées aux prix des carburants devenaient de plus en plus ingérables, la redevance pour l’entretien routier est transformée en prix forfaitaire, indépendamment du prix à la pompe. Ainsi, la redevance est restée inchangée depuis 2010.
100 millions de dollars par an pour l’entretien routier
Actuellement, le FER ne dispose pas de financement pour l’entretien des routes. D’autant que les financements des bailleurs de fonds ont été réduits depuis le début la crise en 2009, alors que Madagascar a besoin de près de 100 millions de dollars par an pour l’entretien de ses routes, soit 220 milliards d’ariary. Seuls quelques travaux ont été réalisés en 2013 avec des aides venant de l’extérieur, comme la réhabilitation de la route de 100 km reliant la ville de Marolambo et celle de Mahanoro, financée par l’Union européenne. Cette dernière a repris le financement des projets de réhabilitation routière l’année dernière, sans impliquer directement le FER. A l’exemple de la réhabilitation du tronçon de 232 km reliant Taolagnaro et Vangaindrano. L’Union européenne a décidé de financer les travaux à réaliser sur cette portion de route et les pistes communales connexes pour un montant de 12 millions d’euros. L’UE a tiré le financement d’un fonds issu du 10ème FED. Depuis la crise, ce fonds n’a été mobilisé que pour des projets qui touchent directement les populations les plus vulnérables. D’ailleurs, le projet de réhabilitation de la RNT 32 est considéré comme un soutien aux populations rurales par l’aménagement de la RN12A et des pistes rurales connexes en approche Himo. D’après le secrétaire général du FER, les travaux de réhabilitation de cette route débuteront cette année.
Enclavement des zones : problème d’écoulement des produits
Les conséquences de la dégradation des routes sur les autres secteurs sont d’une importance majeure. Récemment les maires des Communes dans certaines Régions de l’Ile se sont plaints du mauvais état des routes qui représente un frein majeur à l’écoulement des produits agricoles. En effet, le secteur des transports joue un rôle primordial dans l’économie du pays, en particulier dans l’agriculture, pour la distribution et la commercialisation locales des cultures vivrières et également pour l’exportation des cultures de rente. Dans les années 70, le réseau routier malgache avait une longueur totale de 49 638 km. Toutefois, le réseau actuel a subi des changements au niveau de la classification. Quelques routes ont changé de catégorie. A l’évaluation, le réseau routier comprenait 19 638 km de routes classées et 30 000 km de routes non classées. Ces routes sont réparties en 4 catégories. Les routes nationales (RN) totalisant 8 528 km dont 5 017 sont bitumées ; ces routes relient entre eux les chefs-lieux des provinces à Antananarivo. Ensuite les routes d’intérêt provincial (RIP) d’une longueur de 10 727 km dont seulement 475 km sont bitumées, ces routes relient entre elles les Communes, et ces dernières aux chefs-lieux de Provinces. Et enfin les chemins d’intérêt provincial d’une longueur de 7 281km. Le réseau non classé actuel d’une longueur estimée à 23 102 km couvre les routes d’intérêts locaux. Par ailleurs, le sous-secteur routier, principal élément du système de transport à Madagascar, joue un rôle prédominant dans le transport intérieur des marchandises et passagers. Il draine en moyenne 52% du tonnage transporté et occupe une place importante dans les priorités nationales.
Entretien après réhabilitation
Par ailleurs, la question de l’entretien après la réhabilitation reste également un problème irrésolu. Malgré les dispositifs réglementaires, institutionnels ou financiers qui ont été mis en place, des centaines de kilomètres de routes nouvellement réhabilitées sont malheureusement à nouveau détruites peu de temps après les travaux, faute d’entretien et de protection adéquats.
Selon un rapport publié par l’ONG « Lalana », les routes nationales temporaires qui font partie des routes rurales et dont la maîtrise d’ouvrage incombe au ministère chargé des Travaux publics bénéficient d’un dispositif plus ou moins efficace mais la principale raison de non-entretien serait l’insuffisance des ressources financières. Les autres routes qui sont sous la responsabilité des Communes et des Provinces rencontrent des difficultés plus importantes et qui dépassent le seul aspect budgétaire. La plupart de ces maîtres d’ouvrage se sont engagés fermement à assurer l’entretien, mais force est de constater qu’ils n’avaient pas la capacité nécessaire à y faire face. Ils ne disposent pas toujours des informations, des compétences et des ressources nécessaires pour réaliser l’entretien dans ses différentes phases (identification, budgétisation, programmation et réalisation effective). Ces contraintes ont amené une grande partie de ces maîtres d’ouvrage à négliger voire ignorer l’entretien routier. L’ONG « Lalana » expose deux points majeurs :
• Méconnaissance des dispositifs institutionnels et mécanismes de l’entretien. Une politique et une stratégie du transport ont été adoptées récemment. La mise en application de cette politique et stratégie convenues n’a pas été bien ressentie alors qu’elles ont déjà connu des amendements depuis. Les responsabilités n’ont pas été bien saisies et les textes ont été ignorés. Les travaux d’entretien ont été réalisés par les Communes alors qu’ils auraient dû être assurés par les Provinces, maîtres d’ouvrage désignés par la Charte routière.
• Une multitude de systèmes d’entretien. A part les travaux entrepris dans le cadre du PTR/PST, d’autres bailleurs et institutions ont financé la réhabilitation de routes (FID, UE, USAID, NORAD, organismes internationaux). Chacun a établi son propre système d’entretien et profité des mécanismes et outils existants selon leur niveau d’information et d’influence (AUP, péage…). Ces initiatives sont louables et auraient dû être exploitées pour l’élaboration de la politique et stratégie de l’entretien cohérentes pour l’ensemble des routes rurales malgaches.
Dossier réalisé par Riana