Un grand vide
A peine née que voilà la 4ième République se trouvant face à un vide, obligée de faire un saut dans le non-dit. Ce premier épisode ne plaide pas pour voter des félicitations aux concepteurs et rédacteurs de la constitution, il serait aventureux de vouloir prétendre que le souci de la précision et le sens d’une projection des conflits à venir auraient pu les étouffer. La désignation et nomination du Premier ministre, cheville ouvrière essentielle dans le mécanisme de l’Etat, constituent déjà pourtant une pomme de discorde à l’intérieur de la classe politique. Le fonctionnement de l’Etat se base évidemment sur l’hypothèse que tout se déroule entre gens de bonne compagnie. Dans le pays et pour cause, le principe de répartition des hautes responsabilités ne peut reposer sur pareille naïveté. Que la désignation du Premier ministre appartienne au groupe majoritaire au sein de l’Assemblée Nationale et que la nomination revienne au Président de la République, Chef de l’Etat, la constitution exprime expressément ce partage des tâches, encore que la détermination exacte de cette majorité à l’Assemblée fasse défaut et provoque une bataille de chiffonniers. Seulement là ne n’arrête pas l’affrontement empli de pusillanimités. Le conflit se manifeste en raison de l’apparition d’un appétit féroce de tous les côtés, générant un phénomène d’alliances et mésalliances qui se font et se défont au gré du vent qui tourne. A imaginer un blocage dans les rapports entre la majorité indéterminée au sein de l’Assemblée et la Présidence, à simplement se référer aux textes on ne peut dégager aucune solution, l’une dispose de la compétence de désignation sans avoir le pouvoir de nommer, alors que l’autre même si elle intervient en dernier possède seule le pouvoir de nomination mais n’a pas l’initiative de porter le choix sur la personne à nommer. UN OS ! C’est celui que les forces politiques se disputent pour avoir à en extraire la moelle. Décidément la 4ième République nait dans la douleur. Tant de choses peuvent encore se passer dans les 9 jours qui séparent de la proclamation des résultats des législatives et pas moins d’une semaine supplémentaire avant que ne se prononce l’Assemblée pour trouver son groupe majoritaire. Dans un pays de droit, cette situation ne peut trouver solution par un passage en force, même si on se retranche derrière des traditions républicaines, il en est celles qui se contredisent, l’une veut par exemple que le Président ait le dernier mot, alors qu’une autre sous un régime parlementaire donne aux représentants du peuple le maître-mot. On se trouve dans un cas à mi-chemin entre semi-présidentiel et semi-parlementaire. On aurait voulu piéger la République que l’on n’aurait pas réussi aussi bien.
Léon Razafitrimo