Les grandes désillusions
Nombreux candidats peu d’élus. Nombreuses requêtes peu d’annulations. Cette fois-ci c’est vraiment parti, le train de la 4ième République est sur les rails, à charge pour les nouveaux responsables de lui trouver le bon rythme pour une longue croisière sur la bonne voie et de profiter des circonstances favorables pour s’éloigner du point de départ. C’est que le train a laissé bien du beau monde à quai. En raison de mauvais calculs certains ont loupé la marche en voulant monter dans la rame, d’autres espéraient embarquer sans avoir obtenu le bon ticket, quelques derniers ont tout simplement raté l’heure du départ. C’est toute une foule qui est restée à quai, dans cette foule, nombreuses individualités ont déjà pris leurs jambes à leur cou dans une course éperdue. Chaque femme, chaque homme rumine en chemin sa revanche sur le sort. Tous n’ont en tête que de rattraper le train à la prochaine station et le prendre d’assaut pour s’y engouffrer. Les personnes qui ont embarqué à la gare de départ disposent de ce moment d’accalmie jusqu’à l’arrêt suivant pour commencer à entreprendre le chantier qui les attend. C’est le moment dont dépend la suite, un moment d’exception que l’on qualifie de période d’Etat de grâce. Il n’est plus temps de perdre une minute de ce précieux temps dans des tergiversations, il ne s’agit pas pour autant de foncer tête baissée dans des improvisations avec cette insolente suffisance d’une arrogante foi en une infaillibilité de son propre génie. Non seulement la durée de cette période d’état de grâce est limitée, mais les pièges et autres chausse-trappes sont légions et les amis pour pousser à y chuter ne manquent pas. Le moindre faux-pas pourtant met fin à la période. Rien qu’à essayer de dresser une liste des cas d’urgence et des sujets de priorité on a vite fait d’attraper le tournis, de quoi ne pas envier le sort des élus. Si l’on considère avec sérieux la charge pour laquelle on s’est porté candidat, c’est au moment où on l’assume qu’il y a de quoi en perdre le sommeil. « Souffrez Messieurs Dames que l’on vous admire et ne vous imite point ». Encore que l’on peut s’abstenir de cette admiration béate lorsque l’on se retourne sur le passé et que l’on constate d’un seul coup d’œil ce que nombreux ont fait de leur mandat. Plus le moment à ça, on efface tout et on repart à zéro ! Il n’est pas pour autant question de donner un chèque en blanc, même si on doit leur accorder la présomption de bons citoyens ayant la volonté d’agir en sincères et lucides patriotes. Là on touche déjà les inconvénients du système consacrant le mandat impératif. Les intérêts de parti risquent de primer sur les intérêts nationaux ! Le peuple vient de donner mandat à des députés, mais ces députés ne disposent pas de leur libre-arbitre individuel, de simples mannequins à mandat lié.
Léon Razafitrimo