C’est tout noir !
L’accès à l’énergie est aujourd’hui devenu une nécessité. L’énergie, contrairement à ce que l’on croit, ne se limite pas seulement à la lumière et au confort de l’électricité. Dans la plupart des pays, qui ont un accès très limité à l’énergie, elle permet d’améliorer l’éducation, l’accès aux soins, à l’enseignement, à l’autonomie des femmes, ou encore de participer au développement économique. Il s’agit donc de répondre à des besoins essentiels. Venir en aide à la précarité et à la pauvreté énergétiques, c’est aussi aider les populations défavorisées à accéder à des moyens de cuisson salubres et participer de ce fait à réduire le nombre de personnes qui meurent prématurément chaque année en raison de la pollution causée par les conditions de combustion de la biomasse. Aujourd’hui, plus de 1,3 milliard de personnes n’ont pas accès à l’énergie et au moins 2,7 milliards ne disposent pas de moyens de cuisson salubres. Plus de 95% d’entre elles vivent en Afrique subsaharienne ou dans des pays asiatiques en voie de développement. D’après les estimations, 1 milliard de personnes n’auront toujours pas accès à l’énergie en 2030 et l’accès aux moyens de cuisson salubres n’aura connu aucune amélioration. Qui ne sait pas que Madagascar fait partie de l’Afrique subsaharienne, que Madagascar est un pays en voie de développement ou plus justement un pays sous développé qui croit en le développement ? Les 7 milliards et plus d’être humains que compte la terre le savent et connaissent les conditions de vie des malgaches. Nous faisons partie du 1,3 milliard de personnes qui n’ont pas accès à l’énergie et de ces 2,7 milliards qui ne disposent pas de cuisson salubres.
A Madagascar, plus de 85% des ménages utilisent le charbon de bois, essentiellement pour la préparation des repas. Cette source d’énergie, facilement accessible financièrement pour toutes les classes de la population, est de loin la moins onéreuse de toutes. Les citadins, et en particulier les plus démunis, utilisent le charbon de bois de la même manière que les 70% de la population constituée par le milieu rural. Les familles qui produisent du charbon de bois de façon traditionnelle, essentiellement à la campagne, en tirent des revenus importants malgré le faible rendement car 10kg de bois ne donnent qu’un kilo de charbon. Il est raisonnable de penser qu’une famille citadine consomme environ 60 à 70kg de charbon de bois par mois, ce qui correspond à environ 2 sacs. Soit donc environ 110 000 tonnes par an pour la seule ville d’Antananarivo. Sur le terrain, cela se traduit par une déforestation d’environ 32 000 ha de forêt. On estime à environ 402 000 tonnes la consommation de charbon de bois sur la Grande île en 2012, soit environ 110 000 ha de forêt décimée. Et pourtant, 70% de ces besoins sont pourvus par les seuls les massifs de pins et d’eucalyptus d’Anjozorobe, de Tsiazompaniry, de Manjakandriana et de Moramanga. D’autre part, seuls 14% des malgaches ont accès à l’électricité. Un taux trop bas pour pouvoir espérer un quelconque développement, que ce soit dans le domaine de l’agriculture qui occupe 80% des malgaches, soit dans le domaine industriel et même dans le secteur tertiaire des services. Idem pour l’éducation, la santé. Ainsi que tous ces autres domaines qui conditionnent un développement économique.
En considération de tout cela, il serait difficile de rester muet dans le pays sous développé qui croit en un développement. En effet, avec un pourcentage d’accès à l’électricité de 14%, on assiste pourtant à l’impuissance de la principale compagnie fournisseur qu’est la Jirama. Les malgaches doivent avaler chaque jour pas moins de deux heures de coupures de courant, et les seules explications qui se succèdent sont soit l’étiage trop bas, soit un entretien d’on ne sait quelle machine, soit la panne d’un groupe quelque part. On ne se pose même pas la question de savoir ce qu’il en sera si la Jirama devait pourvoir aux besoins de 25% de la population, à 40% ou à 100%. Bien évidemment, les statistiques diront que 100% des malgaches ont accès à l’électricité mais la réalité sera tout autre. On paiera tous des factures de plus en plus chères chaque mois et bénéficiera en retour de 29 jours de panne tournante par mois. Les dégradations qui en résulteront ne peuvent être imaginées, que ce soit pour l’environnement, pour la sécurité et même pour l’avenir de nos enfants. Comme le charbon de bois que l’on utilise, comme les soirs de délestage, c’est tout noir, à Madagascar.
Ny Aina Rahaga