Jeu de massacre
De plus en plus difficile de prendre au sérieux les noms qui apparaissent chaque jour comme des personnalités en puissance pour occuper les fonctions de Premier ministre. C’est qu’il y en a à la pelle, à croire qu’il va s’agir d’une loterie et que le gros lot ira à celui auquel un tirage au sort aura souri et adressé un clin d’œil. La candidature est ouverte à tous, aucune qualité requise ne disqualifie à l’avance tout citoyen ayant un casier judiciaire vierge, pouvant montrer pattes blanches pour s’être acquitté des impôts et taxes qu’il doit aux diverses administrations fiscales. Aucune qualification particulière, l’idéal serait qu’il possède plutôt des qualités, une vraie personnalité et une grande probité suffiraient à ce qu’il soit le bienvenu. Si l’on pense que l’on cherche cette personne aujourd’hui plus que jamais, ce n’est pas pour jeter la pierre aux nombreux prédécesseurs à ce poste, certains possédaient peut-être ce profil rêvé, mais aucun n’a su le mettre en valeur pour en laisser un souvenir persistant dans l’opinion. Vu dans ce sens il n’est peut-être pas si vain que cela que tous les sages et fous lancent des noms à la cantonade. Certes les acteurs politiques utilisent déjà la méthode, question de lancer des ballons-sondes en faveur de l’un de leurs favoris, et au cas où le ballon-sonde éclate en vol ils ne se privent pas de lancer un autre. Le jeu contient de plus en plus de risques tant il y a de ballons dans l’espace, aussi les tirs nourris se croisent sur tout ce qui bouge. Des petits malins ont alors utilisé la situation de façon machiavélique, en citant des noms d’adversaires qu’ils craignent pour les donner en pâture. Le terrain est miné, et c’est devenu un jeu de massacre, tout ce qui bouge devient gibier sur lequel se concentrent les tirs. Les munitions ne tuent pas encore, ce ne sont que des boules de chiffon et les cibles ne sont encore que des « kapoaka », comme dans les kermesses. Mais à ce jeu-là on risque de prendre des dérives et de s’engager dans une escalade de brutalités. Lorsque la guéguerre se fera plus rude, il n’est pas loin le moment où l’on utilisera d’autres munitions, non pas de ces balles en métal qui ne font que tuer mais de ces saloperies que l’on ramasse dans les poubelles, ragots et médisances et de préférence ceux les plus immondes, très faits et bien puants qui non seulement éclaboussent mais assassinent et ruinent qui en est victime. Plus on avance moins on croit en l’honnêteté de la pratique du moment. L’opinion finit par s’en désintéresser, entre ceux que l’on voue au pilori d’une disqualification et ceux que l’on destine à monter au pinacle on ne fait plus la différence, tous ces bavards disent la même chose ou le même contraire, et les moutons bêlent pareillement.
Léon Razafitrimo