SRI – L’Indonésie devance Madagascar
Dotée de vastes rizières et aussi des personnes qui ont des savoir-faire, la Grande île dispose tous les atouts pour être un grenier à riz de l’Océan Indien voire même des blocs régionaux. Malheureusement, faute d’appui, d’assistance mais aussi de conviction, ce sont les autres pays qui profitent des découvertes faites au pays.,
Grâce à une méthode de riziculture intensive, mise au point à Madagascar, les cultivateurs de riz parviennent à augmenter considérablement leurs rendements, tout en préservant les sols et les ressources en eau. Exemple en Indonésie où des villageois, accompagnés par des organisations paysannes partenaires du CCFD-Terre Solidaire, ont renforcé leur souveraineté alimentaire.
Des récoltes deux fois plus importantes qu’avec la méthode conventionnelle, à superficie cultivée égale, avec moins d’eau consommée et moins de semences utilisées, les bénéfices du SRI – Système de riziculture intensive – sont très convaincants.
A Sadono, situé en altitude dans la région de Yogyakarta, sur l’île indonésienne de Java, les rizières qui ont été converties il y a cinq ans au SRI, parviennent à des récoltes de 8 à 12 tonnes de riz par hectare contre 4 à 5 t/ha auparavant, parfois plus qu’un doublement !
Dans ce hameau, les paysans ont été inclus dans un programme mené par Rukun Tani Indonesia (RTI) – Coopératives paysannes pour l’Indonésie – un collectif membre de la Koalisi Perbaruan Agraria (KPA)- la Coalition pour la réforme agraire – partenaire du CCFD-Terre solidaire à Jakarta.
Un projet pilote a tout d’abord donné aux riziculteurs un aperçu des avantages de la méthode, avant qu’ils ne l’adoptent collectivement à la suite d’un processus de préparation soigné qui les a mis en confiance. Ainsi n’ont-ils pas été découragés par une première récolte « SRI » médiocre en 2011, un semi-échec attribuable à une maîtrise insuffisante des nouvelles pratiques. L’année suivante, le SRI a donné pleine satisfaction.
Cette méthode a été découverte par hasard en 1983 à Madagascar, dans un village touché par des circonstances climatiques difficiles et alors que la superficie de terres cultivables manquait. Des premières constations très encourageantes ont conduit le prêtre jésuite agronome Henri de Laulanié à développer et à formaliser les découvertes empiriques en une nouvelle technique de riziculture. [1] « Elle est aujourd’hui assez répandue en Indonésie », témoigne Rudi Casrudi, animateur à l’association RTI, et qui a accompagné la mutation des riziculteurs du hameau de Sadono.
Des plants plus espacés mais plus productifs
Tout d’abord, les jeunes plants de riz sont transplantés très tôt de leur pépinière — dès qu’ils disposent de deux feuilles, soit entre 15 et 18 jours pour les terres d’altitude (5 jours seulement en cultures côtières) —, contre 30 jours en conventionnel. Ensuite, au lieu de les replanter en bouquets dans les rizières, ils sont remis en terre brins par brins, et espacés de 20 centimètres, au lieu de 12 centimètres. Le sol est à peine humide, et non pas détrempé comme en riziculture inondée. Plus besoin d’en passer par l’étape postérieure d’élimination d’une partie des plans, destinée à ne conserver que les plus vigoureux : c’est une réelle économie de semence.
L’association malgache Tefy Saina, qui œuvre pour l’agroécologie dans la lignée des travaux du père de Laulanié, a effectué de nombreuses évaluations. Sur un même champ, un plan SRI livre plus de 70 tiges dotées d’un réseau racinaire très touffu, contre 6 tiges seulement en conventionnel, et faiblement enracinées. En 2003, un paysan est parvenu au record de 23,8 t/ha dans le village de Soatanana Apôstôly. A surface cultivée égale, concluait l’agronome jésuite, la production de riz malgache pourrait aisément… quadrupler !
La technique, ayant suscité des études de spécialistes étrangers, s’accompagne d’une gestion soigneuse de l’eau et d’une attention particulière à l’entretien de la fertilité des sols. Le SRI, méthode basée sur des principes écologiques, a recours au compostage naturel – à base de la paille de riz broyée notamment – et à des fumures adaptées. Elle nécessite aussi plus de travail et une formation solide pour les paysans.
A Sadono, les pesticides sont très largement remplacés par une décoction naturelle à base d’eau de cuisson de riz et d’un fruit local très amer. « L’esprit du SRI, c’est la résistance à la Révolution verte [2] et à ses méthodes industrielles », commente Rudi Casrudi.
Cinq ans après l’adoption du SRI, les bénéfices économiques sont nets pour les villageois. Et en priorité sur le plan de la souveraineté alimentaire : le riz est la nourriture de base, et sa culture est essentiellement destinée à l’alimentation familiale [3]. L’augmentation de la production, grâce au SRI, permet parfois aux paysans de vendre une partie de leur riz sur les marchés, même si les prix de cette denrée stratégique sont étroitement contrôlés par le gouvernement.
La relative aisance économique qui en découle détourne quelques jeunes de l’exode rural. « En tout cas, ils retrouvent des facilités dans les villages lorsqu’ils échouent dans leur insertion citadine, constate-t-il. Nous formons certains d’entre eux qui commencent à intégrer les grands principes de l’agroécologie — préparation du sol, compost, développement des micro-organismes, etc. Nous sommes convaincus que la pratique du SRI peut faire reculer la faim dans le monde. »
Recueillis par Razafy