Halte aux faux-bourdons
« Nos 4X4, nos indemnités de session… », les députés de Tsimbazaza manifestent une impatience à pouvoir jouir de leurs dus au plus vite. Heureusement pas tous, mais sans exagération on a l’impression qu’une large minorité (quelle différence avec une bonne majorité, quand le concept de majorité est devenue élastique) considère que les avantages que l’on octroie aux représentants du peuple font partie de leurs dus, une sorte de créance qu’ils détiennent sur les caisses publiques. Le statut de ces 4X4 et la quote-part dont devraient s’acquitter les « utilisateurs » n’ont pas toujours fait l’objet d’une grande transparence. C’est qu’il s’agit d’un cadeau au compte des cochons-payeurs, cadeau que l’on a du mal à légitimer, raison de ce flou d’une complicité aussi peu sympathique que très médiocrement honnête. De savants esprits dans l’art de la tromperie populaire ont alors inventé une fausse justification en détournant de leur essence les rôles et obligations des députés. On a créé de toutes pièces cette obligation faite des députés qui de la plus haute importance consisterait à rendre compte à la population. D’une pierre deux coups pour mieux fausser le jeu de la démocratie et l’équilibre républicain. Grace à ces tributaires de ses largesses, l’exécutif disposerait ainsi d’une caisse de résonnance pour communiquer en sa faveur, pour tromper la population en vantant les mérites d’une action stérile. Les députés à leur tour et à bon compte disposeraient d’un moyen pour entretenir leur image par une proximité de leurs électeurs, en quelque sorte une continuelle propagande. C’est comme si dans d’autres pays, l’Etat lui-même prenait à sa charge la « permanence » de chaque député. De cette grande arnaque il en reste des séquelles graves autres que le poids de ces charges illégitimes sur les caisses publiques. Au sein de la nouvelle classe des députés, héritière de cet indu qu’ils considèrent comme un dû, il en est plusieurs qui pensent que rendre compte à la population constitue l’essentiel de leur fonction, comme si se préoccuper de leur réélection (la raison même des permanences) entrait de droit et en toute logique dans leur charge publique à la charge des caisses publiques. Les représentants du peuple ont d’autres responsabilités qu’à venir parader auprès des électeurs du haut de leur 4X4. Au nom du peuple ils ont pour essentielle mission de suivre ce que le gouvernement fait du pouvoir qu’on lui prête pour bien gérer l’Etat. A cet effet les députés exercent un pouvoir de contrôle sur les secteurs essentiels, ils ont autorité pour sanctionner au moment de l’examen et du vote du « Budget », le nerf de l’action gouvernementale. Aux risques de faillir aux obligations de leur rôle, ils ne sauraient se rendre des obligés de l’exécutif. Dans l’esprit de nombre d’entre eux une confusion règne quant au rôle de leur charge. Déjà de façon éhontée ou par ignorance, lors de la campagne électorale nombreux ont fait des promesses et même pris des engagements concernant des actions et des réalisations qui ne concernent pas leur fonction. Tout ce qui touche les réalisations déborde de leur charge, oublient-ils qu’ils ne possèdent ni autorité ni compétence dans le domaine de l’exécutif, même s’ils en exercent un contrôle. Ainsi les interventions auprès des membres de l’exécutif en faveur de tel ou tel dossier fut-ce celui-ci pour la réalisation d’un ouvrage dans sa circonscription d’origine ou même rien que pour l’accélération des travaux sur un chantier, s’assimileraient à des actes de corruption ou à un commerce d’influence. Le ministre ordonne la réalisation d’un pont dans la circonscription d’un député, celui-ci dispose d’un argument électoral de poids près de ses électeurs en mettant l’ouvrage réalisé sur des deniers publics au compte de sa notoriété. En compensation devenu obligé du donneur d’ordre dont il a à contrôler l’action il fera preuve de tolérance en renvoi d’ascenseur. Tout ça renvoie au manuel du parfait petit bricoleur qui sans le savoir parvient à fausser le système républicain sur le principe de séparation des pouvoirs et sur le délicat équilibre les différents pouvoirs, mais aussi à l’astuce concernant l’art de financer par l’Etat les moyens (4X4) qui servent à distancer les concurrents pour la prochaine élection. Le bonus du redoublant. Bzzz, bzzz, bzzz ! Les faux papillonnent comme des petits roquets. C’est vrai que même improductifs ils ont toujours une part du miel, « courtisanent » à tout va et servent de décor surtout pour la grande parade de gala au moment de l’apothéose qu’est le vol nuptial. Pour services rendus, parasitisme et stérilité, ils obtiendront une mort digne des eunuques d’un harem.
Léon Razafitrimo