On s’accroche !
L’accueil du dernier sommet de la Francophonie fait toujours la fierté des tenants du pouvoir et du régime Rajaonarimampianina jusqu’à maintenant. Fiers de dire et de crier au monde que le pays appartient à une communauté forte, unie par une seule langue, le français. Des milliards et des milliards d’Ariary ont été dépensés pour satisfaire les attentes du monde francophone pour un 16ème sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie. A l’arrivée, Madagascar a bien évidemment reçu les félicitations de tous les invités. Logique après qu’ils ont bénéficié de logement minimum 4 étoiles, de service d’étage, de dîners fastueux dignes de rois, de transports prioritaires et ce durant toute une semaine, aux frais donc de l’Etat, ou plutôt du peuple. En retour, on avait promis à ces derniers des retombées inimaginables, dans des délais dépassant toute attente, car « Madagascar est maintenant connu à travers le monde », disait-on à cette époque. Pourtant, jusqu’à l’heure actuelle, les Malgaches n’ont même pas encore pu entrevoir ne serait-ce qu’une petite partie de ces « retombées ». On appartient à une communauté fatiguée, et les orientations prises par les grands d’Afrique le démontrent clairement.
Les députés rwandais ont adopté le mercredi 8 février dernier une loi visant à faire du swahili la quatrième langue officielle du pays aux côtés du kinyarwanda, la langue locale, du français et de l’anglais. En effet, le swahili est la langue la plus parlée d’Afrique subsaharienne et c’est aussi, depuis 2004, une des langues officielles de l’Union africaine. Et malgré le fait que le swahili soit peu utilisé au Rwanda, il s’agit surtout pour le pays de respecter les engagements qu’il a pris au moment de son intégration au sein la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est. Car en 2007, lorsque le Rwanda a rejoint la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est, il s’est s’engagé à faire du swahili une de ses langues officielles. Kigali remplit donc ses obligations. Une fois le texte soumis au Sénat et promulgué, cette langue bantoue qui est traditionnellement peu utilisée au Rwanda, fera son apparition dans l’administration et figurera sur certains documents officiels. Dans un second temps, l’enseignement du swahili sera intégré dans les cursus scolaires. D’ailleurs, adopter « le swahili comme langue officielle, à la fois nous acquitter d’une obligation en tant que pays membre, mais aussi une façon d’accroître les bénéfices que le Rwanda peut tirer de l’intégration économique », a indiqué devant les députés la ministre des Sports et de la Culture, Julienne Iwacu, défendant le texte devant les députés rwandais. De plus, les poids lourd de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est comme la Tanzanie et le Kenya utilisent le swahili comme langue officielle aux côtés de l’anglais.
Le swahili va donc désormais être utilisé dans l’administration et figurera sur certains documents officiels. Un décret présidentiel déterminera par ailleurs les modalités d’intégration de ce nouvel idiome dans l’enseignement rwandais, comme requis par la Communauté d’Afrique de l’Est. Pour la petite histoire, avant le génocide rwandais de 1994, le swahili était seulement parlé dans quelques zones urbaines du Rwanda, et seuls le kinyarwanda et le français avaient le statut de langue officielle. Après cette date, au retour d’anciens réfugiés et exilés dont beaucoup avaient été accueillis dans des pays anglophones et swahilophones d’Afrique de l’Est, l’anglais s’est imposé comme troisième langue officielle tandis que le swahili gagnait en nombre de locuteurs. Le Rwanda, administré par la Belgique jusqu’à l’indépendance, en 1962, reste cependant jusqu’à maintenant membre de l’Organisation internationale de la Francophonie, même s’il est désormais évident que la langue de Molière perd du terrain face à l’anglais.
Serait-ce un signe annonciateur d’un abandon futur de la langue française et de la culture issue de la colonisation en Afrique ? Le fait est que les grands d’Afrique, ceux qui peuvent espérer un développement futur, hormis les anglophones, commencent à délaisser la langue de Molière et contribuent donc à diminuer la mainmise de la « mère patrie » sur le continent. Sauf que malgré une liste exhaustive des chefs d’Etat assassinés en Afrique par la France dans son intérêt dans laquelle figure le nom d’un certain colonel Ratsimandrava, nous à Madagascar, on s’accroche, et croyons toujours que l’hexagone est l’eldorado, que ce pays est pavé d’or. Et pourtant, pour reprendre un humoriste d’origine africaine, en France, « les rues ne sont pas pavées d’or, elles ne sont pas pavées du tout et enfin, on compte sur nous pour les paver ». A méditer.
Oussa Fémal