Fierté, est-tu là ?
L’hebdomadaire Jeune Afrique a soulevé la semaine dernière un sujet des plus fâcheux que l‘on pourrait évoquer en ce moment. Surtout face à la tendance mondiale actuelle confirmée par l’élection du président Donald Trump et ses décisions vis-à-vis de certaines communautés et ou minorités mais aussi par le regain d’intérêt pour un certain parti dans les élections françaises. Il y a lieu de s’y intéresser du fait que cela nous touche directement, nous malgaches. « Stupéfaction jeudi 9 février, sur le plateau de l’émission « C’dans l’Air ». Avant d’être vivement repris par la présentatrice, un syndicaliste policier français, Luc Poignant, jugeait que l’insulte « bamboula », « ça ne doit pas se dire, mais ça reste à peu près convenable », rapporte donc l’hebdomadaire le 10 février dernier. Un terme des plus dégradants employés à l’égard des noirs d’Afrique mais oublié par bon nombre d’entre eux avant que ce policier ne le remette au goût du jour.
« Bamboula » serait issu de « ka-mombulon » et « kam-bumbulu », qui signifient « tambour » dans les langues sara et bola parlées en Guinée portugaise. En 1714, en Côte d’Ivoire, le mot a pris le genre féminin, et désigne cette fois une « danse de nègres »… « il est déjà connoté négativement puisqu’il est associé au « nègre », à l’esclave noir, à un moment où la traite est en pleine expansion », nous précise l’auteur. La bamboula devient synonyme de danse violente et primitive dès la moitié du XIXe siècle. Mais c’est en 1914, avec l’arrivée des tirailleurs sénégalais sur le front que le terme se charge lourdement de mépris. « Le mot renvoie alors à une imagerie alliant sauvagerie, cannibalisme, sexualité animale et rire, naïveté enfantine supposée des soldats noirs », souligne la linguiste Marie Treps dans son ouvrage Maudits mots, la fabrique des insultes racistes. Le terme a beaucoup été utilisé au moment des grandes expositions coloniales, remarque la linguiste. Il flatte le paternalisme du colon. Derrière le terme « bamboula », il y a l’idée que les Noirs sont des grands enfants qu’il faut civiliser. Et finalement, ce qui est commode à l’époque c’est que l’être humain disparaît derrière sa caricature rapporte toujours Jeune Afrique.
L’année dernière, des experts du Conseil de l’Europe, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (Ecri), ont déjà fait part de leur inquiétude face à « l’accroissement des violences racistes, antisémites et islamophobes ». Selon ces derniers, Les actes de racisme ordinaire se multiplient et se banalisent en France. Dans un rapport publié le 1er mars de l’année dernière, ils ont en effet dénoncé ce fait dans l’Hexagone. En deux ans par exemple, entre 2002 et 2014, les violences racistes recensées par le ministère français de l’Intérieur ont augmenté de 14%, voire de 36% pour les seules violences antisémites, relèvent ces experts qui pointent surtout les responsabilités d’hommes politiques français. Les experts européens avaient aussi évoqué une persistante préoccupante des discours islamophobes, alimentés par certains responsables politiques, comme Marine Le Pen du Front national comparant les prières de rue à l’occupation allemande en décembre 2010. Et pourtant, à coté, on se rappelle que l’humoriste Dieudonné a été condamné à deux mois de prison pour son commentaire sur Charlie Hebdo, après l’affaire « quenelle ». A la suite des attentats à Charlie Hebdo en janvier dernier, Dieudonné avait écrit sur sa page Facebook « Je me sens Charlie Coulibaly ». Dans le texte, retiré depuis, il associait ce slogan au nom d’Amédy Coulibaly, qui a tué une policière et quatre otages juifs deux jours plus tard dans l’attaque contre un supermarché.
Tout ceci n’a rien à voir avec les questions d’actualités ni encore les affaires nationales qui vont de mal en pis. Toutefois, ces faits méritent attention car ils nous touchent nous en premier, et nous en sommes les premières victimes. Pourtant, victimes qui ne se rendent compte de rien ou plutôt loin d’être conscientes des choses. Au lieu de cela, on s’empresse tous à vouloir quitter notre chez nous, se rendre chez les autres qui peuvent en arriver à ce genre de traitement à notre égard. Mais fierté, est-tu là ?
Oussa Fémal