Aux grands maux…
Bon nombre d’entre nous veulent faire ces choses qui font que le visage du pays change. Ces initiatives que l’on pourrait acclamer et applaudir tant elles auraient eu des impacts significatives et surtout décisives dans notre société. Mais peu sont ceux et celles qui osent réellement faire et changer les choses. On stationne toujours devant le portail des autres et préférablement là où il y a écrit « défense de stationner 24h/24». On jette toujours nos ordures sur la voie publique, dans les canaux d’évacuation d’eaux ou dans les ruelles. On pisse encore contre les murs, les poteaux, sur les avenues et spécialement lorsque des écriteaux indiquent « rarana ny manao maloto eto » ou littéralement « interdit d’uriner ici ». Et ce ne sont là que les plus légères mauvaises habitudes de nous autres malgaches qui font qu’on se retrouve encore à peu près à l’époque de l’homme de Cro-Magnon en termes de mentalité. Le fait est que lorsqu’on cherche à changer les choses alors qu’on en est à ce stade, on doit recourir à certaines méthodes, même si celles-ci peuvent paraître peu orthodoxes.
Le Parc National de Kaziranga se situe en Inde, qualifiée depuis des années par les scientifiques et les touristes du monde entier comme une denrée rare dans son genre. Mais le parc en question défraie la chronique en ce moment. En effet, ce parc naturel autorise ses gardiens à tuer les éventuels braconniers… Il y a évidemment une raison à cela. Kaziranga a une histoire formidable. En effet, cette réserve naturelle a permis de maintenir en vie une espèce condamnée à l’extinction : les rhinocéros à une corne. Il y a une centaine d’années, il restait à peine une poignée de représentants de cette espèce qui compte aujourd’hui plus de 2 400 membres. Les 2/3 des rhinocéros unicornes du monde sont répertoriés dans le parc de Kaziranga. Mais là-bas vivent également de nombreuses autres espèces rares et menacées, comme le tigre, l’éléphant, l’ours ou encore le dauphin du Gange. Suite à cette mesure, en 2012, un seul homme aurait été tué, mais en 2015, pas moins de 23 hommes ont été tués par les gardes forestiers et les gardiens du parc, la même année, 17 rhinocéros ont été braconnés. Nombreux sont encore ceux qui se risqueraient à cette activité car la corne d’un rhinocéros se vend actuellement à 6 000 dollars américains le 100 grammes. En tout, une cinquantaine d’hommes ont été tués lors des 3 dernières années, selon les estimations du directeur du parc.
Bien évidemment, ce choix du parc national Kaziranga est discutable sur le fait que le meurtre ne peut et ne pourra jamais être cautionné peu importe la raison. D’autre part, cela dépasse les valeurs morales et l’entendement même de l’Homme. Toutefois, ces mesures peuvent au moins se vanter d’être dissuasives pour bon nombre de personnes. Et elles ont le mérite d’atteindre les buts pour lesquels elles ont été érigées. Pour ne prendre qu’un seul des nombreux cas dans notre pays, à Madagascar des milliers de tortues victimes chaque mois de trafic. Elles finissent dans l’assiette, dans l’armoire à pharmacie de riches Asiatiques ou dans une famille étrangère en mal d’animal domestique. Pourtant, cette espèce protégée de tortue terrestre risque de disparaître, du moins à l’état sauvage dans moins de cinquante ans. En 2013, des recherches ont permis de constater qu’entre 93 à 2800 tortues ont été saisies par mois à l’issue des contrôles de la police des frontières malgaches. Mais l’ampleur du braconnage et du trafic est plus grave, selon l’organisation. Une autre étude de l’Ong chiffrait en 2005 à 60 0000 le nombre de ces petits animaux faisant l’objet de trafic à l’échelle nationale et internationale, ce qui fait en moyenne 5000 tortues victimes de trafic par mois.
Et comme nous le disions, ce n’est là qu’un seul des millions de cas qui font le quotidien à Madagascar. Ce genre de mesure, on pourrait très bien en prendre autant pour les transports publics que pour les pisseurs de rues. On pourrait convenir que ceux que l’on prend sur le fait seront mis en cellule « urinoir » le temps d’une bonne réflexion. Ou encore les violeurs seraient violés à leur tour. Ce ne sont là que des exemples pris à l’extrême, pouvant en choquer plus d’un. Mais c’est le but : que l’on soit choqué pour qu’enfin on réagisse. Tout ceci bien évidemment sans encourager la vindicte populaire ou le meurtre. Mais que dire sinon aux grands maux, les grands moyens ?
Ny Aina Rahaga