Les descendants du fils de Simon
De nombreux politiciens sont devenus, du jour au lendemain, traîtres à leurs causes clamées haut et fort sur les tribunes. En réalité, la géométrie variable ne date pas du régime actuel, ni de celui d’auparavant, ni surtout lors de la constitution de ce qu’on appelle habituellement un… gouvernement d’union ! L’exemple le plus frappant reste la mutation des marxistes convaincus, en pleine période de révolution socialiste, en fervents défenseurs du libéralisme économique. Pudiquement, ils se sont surnommés plus tard : rouges et experts !
Si actuellement on assiste à des revirements à 180° au sein des députés fraîchement élus, c’est que les descendants de Judas Iscariote, le fils de Simon, sont légendes dans l’histoire de ce pays. A chaque fois, les anciens tenants du pouvoir ont vu leurs ouailles partir en vadrouille, une fois la messe dite. L’appel de l’intérêt de soi résonne toujours plus fort que celui de la Nation, comme un accord parfait majeur au septième, même diminué. Eh oui, l’histoire recense des ministres devenus simples conseillers techniques, des présidents d’institutions transformés en directeurs d’organisme… bref on ne va pas cracher sur des strapontins, surtout pas ! Voilà à quoi servent les élections. Et personne pour voir de près les problèmes sociaux de la population ! Pire, pour la journée de la fête du travail de cette année, on a eu droit à une conférence de presse des conseillers du Président de la République sur l’usurpation de nom de son association, un problème dont le citoyen lambda n’a vraiment rien à cirer. Les questions urgentes, importantes et primordiales restent sans réponse : la politique de l’Etat sur la création d’emplois, sur la reprise économique, sur la relance des institutions, sur la crédibilité de la justice, sur le pouvoir d’achat, sur les infrastructures, sur la santé, sur l’accès à l’eau potable, sur la lutte contre la déforestation… bref, sur tout ! Le développement incisif et durable inclut la résolution des problèmes immédiats du citoyen qui se résument au minimum vital. D’abord, que les PPN soient à prix abordables face au salaire misérable enregistré. Et effectivement, nombreux se posent la question de savoir combien de foyers peuvent se permettre actuellement de faire cuire le riz deux fois par jour puisque le petit déjeuner des 95% des Malgaches est constitué d’une petite tasse de café noir et presque sans sucre, avalée avec une rondelle de « mofo gasy ». Cette question ne trouvera aucune réponse, en tout cas pas avant longtemps puisque l’Etat Malagasy, à travers l’Instat ou d’autres organismes, n’a pas les moyens, ni le courage de faire un état des lieux réel du quotidien alimentaire de sa population. D’ailleurs, le dernier recensement de cette population date de deux décennies auparavant. Et quand on sait que seuls 24% des foyers de la Capitale bénéficient de branchement d’eau particulier avec des infrastructures datant de la 1ère République, l’accès à l’eau potable est un défi majeur, tout autant que l’accès à des logements dignes et à la lutte contre la bidonvillisation des grandes villes. Faire passer les… lamentations d’usurpation de nom d’association et de titres devient, par conséquent, un acte de traîtrise tel qu’Iscariote l’a fait, face à ces montagnes de difficultés quotidiennes de la population. L’équipe présidentielle doit comprendre que le Président de la République a été élu par le peuple pour diriger le pays et non pour s’occuper des problèmes… de son association. En vérité, les descendants d’Iscariote, fils de Simon, ne sont pas seulement les traîtres à une cause.
Jean Luc RAHAGA