Les moutons d’un troupeau !
Quand on a le pouvoir entre les mains, on devient très vite bourreau. Les anciens tenants des précédents régimes ne le savent que trop bien et une fois déchus de leur piédestal, les habitudes et les reflexes d’être des simples citoyens mettent longtemps, sinon un certain moment, à revenir. Madagascar, une fois libéré du joug des colonialistes, a connu jusqu’ici trois républiques et des fragmentations puisque la troisième a connu trois parties distinctes, quatre ou cinq transitions si on compte aussi celle menée par le colonel Ratsimandrava mais qui n’a duré que quelques jours. Une flopée de dirigeants se sont relayé pour gouverner le pays et toutes les provinces et régions, tous les districts, et même toutes les tribus ont toujours été représentés au sein des institutions créées selon des principes universelles de gestion des affaires d’un Etat, mais aussi selon les spécificités politico-culturelles de notre pays. L’équilibre régional a toujours presque été respecté, de même que l’équilibre confessionnel tout en s’appuyant sur les composantes des forces armées du pays. Pour ces dernières, chaque régime a beau les dépouiller en les démilitarisant et leurs matériels restant désuets, les forces de l’ordre restent incontournables. Dès qu’un semblant de mouvement d’humeur pointe à l’horizon, on fait appel aux militaires si nombre d’entre eux sont présents et ce, de manière permanente, dans l’administration publique. Cela va du simple directeur d’un département au sein d’un ministère au chef de l’administration publique, en passant par le poste chargé de gérer les marchés publics (PRMP) ou le fauteuil ministériel. L’inverse n’est pas du tout vrai puisque du ministère de la Défense nationale à celui de la Sécurité publique, en passant par le Secrétariat d’Etat chargé de la gendarmerie, aucun civil ne siège à la tête d’une quelconque direction ou même d’un service.
Depuis l’avènement de cette Quatrième République, le quatrième pouvoir s’invite dans ce tableau de base puisque les dérives totalitaires de ce régime sont dévoilées au grand jour. Après l’emprisonnement de l’auteur de ces lignes et d’un journaliste du journal que vous tenez en mains, le régime pensait faire de la presse de la chair à canon d’où les multiples avertissements à tous les niveaux dont ceux lancés par le président de la République, par le Premier ministre qui a mobilisé son fans-club du Menabe et des autres Régions, par le ministre de la Communication, de l’Information et des Relations avec les institutions, du Directeur général de la Communication, mais aussi par le ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques. Le coup a été préparé jusqu’à ce qu’aucune échappatoire ne puisse être possible pour les médias, d’où la loi sur la cybercriminalité votée secrètement au sein de l’Assemblée nationale et vite validée par la Haute Cour constitutionnelle. Les tenants du pouvoir actuels ont pensé ne faire qu’une bouchée de la presse malgache mais l’info a été propulsée à la vitesse d’une fusée que finalement, la bombe a éclaté entre leurs mains mêmes ! Nourris de rêves de revanche et ignorant les pratiques politiques de ce continent-pays au large de l’Afrique, les dirigeants actuels estiment dompter facilement un peuple qui vit certes dans l’extrême misère mais qui ne s’est jamais agenouillé devant des orgueilleux et des parvenus !
Jean Luc RAHAGA