Que des foyers de tension !
Mahajanga est en feu, non en feu par l’animation due à la présence des milliers de vacanciers venant des Hautes-Terres et à la recherche de chaleur légendaire de la côte-ouest de Madagascar, mais en feu à cause des tensions sociales nées des réclamations des étudiants de l’Université de Majungà. Pour hier, la descente des étudiants dans le centre ville, notamment devant l’Hôtel de Ville de la Commune Urbaine de Mahajanga qui est en même temps centre névralgique de l’administration publique de cette région, dès le début de la matinée, s’est transformée en saccage des boutiques de téléphonie mobile de Mahabibo. 4 voitures tout-terrain appartenant à des vacanciers en ont aussi fait les frais de ce mouvement de rue, vacanciers qui vont donc rentrer vite fait dans leurs régions d’origine la mort dans l’âme, avec la carcasse de leurs véhicules, et ne remettraient plus de sitôt les pieds dans la cité des fleurs. Evidemment, ils vont inviter leurs familles et progénitures à ne plus tenter l’aventure majungaise ni pour les grandes vacances ni pour d’autres occasions sinon se faire accompagner des body-guards armés de matraque au minimum et aptes à protéger les biens de leurs patrons. Bref, en pleine haute saison touristique, tant pour les nationaux que les étrangers, on assiste à un trouble à l’ordre public qui n’aurait dû exister si les dirigeants actuels ont pris au sérieux leur responsabilité. Et c’est bien le cas de le dire puisqu’une délégation dirigée par le ministère concerné a déjà essayé de résoudre le problème sans que cela a fait avancer la situation d’un centimètre et les étudiants ont même réclamé la tête du directeur de cabinet du ministre en question. L’autre délégation gouvernementale dirigée, cette fois-ci, par l’unique super-ministre et chef du parti au pouvoir s’est, elle aussi, cassé la figure sinon les étudiants se seraient calmés et rentrés dans les classes pour finir l’année académique et faire face aux examens. En retour, les boutiquiers de Mahabibo ont voulu se rendre au Campus d’Ambondrona pour régler les comptes de ces étudiants ! En somme, on a devant nous les prémices d’une guerre civile et les vacanciers auront raison de rentrer dare-dare sans laisser quoi que ce soit derrière eux, même pas les squelettes de ces 4×4 qui venaient d’être saccagés. Pour les autres universités de l’île, notamment celles de Barikadimy à Toamasina et de Maninday à Toliara, des grèves se sont tenus depuis hier.
Voilà des foyers de tension, certes loin de la capitale mais qui a duré des mois et où la jonction avec d’autres paraît difficile, aux yeux des dirigeants actuels. Pourtant, il ne faut pas être sûr de rien puisqu’avec la hausse très prochaine des frais de déplacements des voyageurs, au niveau du transport terrestre national et régionale, d’ici 15 jours selon les transporteurs, la bourse des ménages durement malmenée par l’inertie et l’inefficacité de l’actuel régime, va finalement prendre un coup fatal pour ne plus se relever et la classe moyenne n’existera plus. Cette hausse est due à la dernière flambée du prix du carburant mais chacun sait, sans qu’on sorte d’une grande faculté de l’économie, de gestion ou encore de management et commerce, que cela entrainera forcément l’augmentation générale du coût de la vie, c’est-à-dire que le taux de 92% de la population vivant dans l’extrême pauvreté est à tirer vers le bas.
Et d’un autre côté, le syndicat des enseignants Fram appelle à la grève générale tout en réclamant leur recrutement immédiat au sein de l’administration publique, selon la promesse présidentielle. 7 mois après l’investiture du Président Rajaonarimampianina, rien ne s’annonce pour les premiers qui selon le DG de l’éducation de base du ministère de l’enseignement national, les enseignants Fram doivent attendre le remplacement des directeurs régionaux de ce département ministériel, les chefs Cisco et le Chef Zap. Autant dire que l’Etat renvoie l’effectivité du recrutement aux calendes grecques ou peut-être « ad infinitum » !
Pour le volet communication, Reporters Sans Frontières vient de sortir un communiqué relatif à la nouvelle loi sur la cybercriminalité que le Parlement a voté lors de sa première session ordinaire et que la Haute Cour Constitutionnelle d’Eric Rakotoarisoa s’est empressée de confirmer … conforme à la Constitution ! Relevons uniquement deux passages dans ce communiqué : « la révélation de cette loi prouve que le gouvernement malgache n’a nullement l’intention de s’engager vers la dépénalisation des délits de presse », et puis concernant l’annonce du Président de la République qui avoue être contre l’emprisonnement de journalistes : « Une déclaration pleine de bonnes intentions mais vidée de son sens à l’heure où le cadre légal entourant la liberté de l’information devient lui-même liberticide ». Y ajouter ce nébuleux comité d’organisation créé par le ministère de la communication pour l’élection du président et des membres de l’ordre des journalistes. Déjà ce comité est très contesté par les professionnels de la presse, d’abord parce que la plupart sont inconnus du bataillon des médias, et puis le ministère de la Communication, de l’Information et des Relations avec les institutions n’a vraiment pas à se mêler des affaires de l’ordre. On se rappelle que le régime Ravalomanana a déjà essayé la même tentative et cela a conduit finalement à l’exil de ce dernier.
En réalité, ce ne sont qu’un aperçu de la situation actuelle malgré la tentative de certains organes de presse privés de cacher la vérité aux yeux du monde.
Jean Luc RAHAGA