Un parlement … peuplicide !
Sur les ondes et sur la toile, les députés de Madagascar ont été traités de tous les noms (attention aux futures plaintes pour diffamation par voie électronique, délit passible d’emprisonnement de 2 à 5 ans ferme !) pour le vote les yeux bandés, selon un quotidien de la place, de la loi de finances rectificative 2014. Comme depuis l’avènement de Jean-Max Rakotomamonjy au perchoir de l’Assemblée Nationale, le vote se fait toujours à la soviétique et le ministre des finances et du budget, son cabinet politique, son staff dirigeant et ses agents jubilent de ce score jamais inégalé auparavant, et ce, malgré plusieurs antécédents comme lors du vote du deuxième bureau permanent ou encore pour la loi sur la cybercriminalité. Voilà donc un grand argentier qui devrait être satisfait de ses œuvres, notamment de pouvoir, désormais, soutirer 2 000 ariary par mois pour chaque travailleur gagnant moins de 250 000 ariary mensuellement. A coup sûr, ils sont nombreux, allant de ceux travaillant dans les zones franches textiles et informatiques aux femmes de ménage et coursiers, en passant par les animatrices d’événement et autres petits métiers. Apparemment, le « hetra isan-dahy », mais cette fois-ci « hetra isan-dahy miambavy », revient en force mais comme toujours, sous une autre dénomination. Ailleurs, plus précisément en France – tiens, un pays que les dirigeants actuels chérissent au point de plagier le discours de son ancien président -, la loi de finances rectificative validée par le Conseil Constitutionnel parle d’une baisse d’impôt sur le revenu pour 3,7 millions de contribuables et prévoit aussi la reconduction de l’exonération de la taxe d’habitation pour la résidence principale. A Madagascar, on estime que le contraire est à effectuer dans l’immédiat en égratignant le pouvoir d’achat déjà très maigre des ménages modestes dans l’espoir qu’ils trépassent plus vite ! D’ici peu donc, on verra le boum du secteur informel puisqu’on voit les petites gens accepter de se faire dépouiller davantage pour que les grands de ce pays puissent continuer à mener leur vie de pacha, soit une hausse de train de vie de 26%. Et quand on sait que la Primature vient de bénéficier d’une dizaine de voitures de très haut de gamme pour renouveler son parc automobile, on ne peut que comprendre cette fuite éperdue vers le travail … non-déclaré !
Ainsi, tout n’était que cinéma joué par de très mauvais acteurs et malgré 5 heures de discussion que beaucoup croyaient être un débat accompagné d’analyses approfondis, il n’en sortait finalement que de petites propositions vite étouffées. Mieux donc pour le Ministre des Finances et du Budget, la loi a été votée sans amendements, même pas un virgule de moins ou de plus et où tout est parfaitement … parfait. De l’histoire de ce pays, il serait donc le seul ministre des finances à réaliser une telle performance et pourtant, il est faux donc de penser qu’après son adoption, le pays ira ou fera juste un tout petit pas sur le grand chemin du développement réel et pourra voir au moins de frêles battements d’ailes de son économie. Et justement, beaucoup se demandent quel secteur d’activité connaîtra un essor, ou un frémissement – c’est selon-, après l’adoption de ce LFR 2014. Quand on sait qu’à Marovoay, deuxième grenier à riz de Madagascar, on prévoit désormais une production de moins d’une tonne et demi de paddy par hectare pour cette année si dans les années auparavant, les 5 ou 6 tonnes sont atteints facilement bon an, mal an ! Pour le secteur secondaire, les industries ne cessent de mourir une à une, et ce depuis des lustres et la seule qui fait un tapage médiatique reste l’usine de … Karenjy à Fianarantsoa. Et la technologie et l’informatique viennent récemment de prendre un sacré coup mortel avec cette abjecte loi sur la cybercriminalité où blogueurs, journalistes, internautes, étudiants et élèves vont tous, d’ici peu, prendre le chemin de la prison pour une durée bien longue afin de parfaire leur savoir-faire simplement criminel. Mais on peut toujours tenter de faire décoller l’économie par le tourisme, seulement, les avions d’Air Madagascar ont énormément de plomb dans l’aile ces derniers temps et de nombreux vols ont été carrément annulés au grand dam des passagers internationaux.
En somme, l’Assemblée Nationale a failli gravement à sa mission et est devenu le porte-parole d’un Exécutif qui ne connaît rien de la situation extrême dans laquelle vit les malgaches. En tout cas, les promesses présidentielles et gouvernementales sont loin d’être tenues.
Jean Luc RAHAGA