Jouer la comédie !
Bizarrement, le Président de la République montre toujours une contrariété certaine à chaque fois qu’il rentre de ses voyages à l’étranger. A croire que le Chef de l’Etat n’aime pas rentrer chez soi et de « revoir les grilles de sa maison » comme le dit la chanson de Dalida. Ce mécontentement ressemble furieusement, la plupart du temps, à de la colère, il y a effectivement une grande nuance entre les deux termes, et ceux qui ne s’alignent pas aux volontés du Grand Chef sont durement invectivés lors de la conférence de presse tenue à l’arrivée au pays natal. Son sentiment provoqué par la frustration, l’irritation et l’insatisfaction dues à la conduite de certaines personnes ou corps de métier, à son égard, change en colère qui n’est autre que « l’affirmation de sa personne » même.
Rappelons-nous, lorsque de retour de Rome, enfin officiellement puisque Hery Rajaonarimampianina (and his big family) a fait par la suite une longue virée de quelques jours en France, le Président de la République a lancé une mise en garde sévère à l’endroit de la presse et quelques jours plus tard, son régime par l’intermédiaire de son bras droit et inséparable compagnon de voyage Ministre d’Etat, a fait emprisonner votre serviteur dans la prison d’Antanimora sous le prétexte fallacieux de diffamation par voie de presse. Selon Larousse en version électronique – tiens, l’article 20 de la loi sur la cybercriminalité est justement adopté pour qu’on ne consulte plus ce genre d’outil de travail sous peine de passer 2 à 5 ans en prison-, « l’homme en colère ne se contente pas alors de répondre par un mal équivalent, rétablissant une sorte d’ordre de droit égalitaire, mais rend facilement au centuple le mal qu’il a subi ». En somme, le régime se croit être victime d’attaques injustifiées de la part de la presse quand cette dernière dénonce la paupérisation galopante de la population et l’inertie du gouvernement incapable de réagir pour dénouer les problèmes socioéconomiques. D’où la réaction musclée et disproportionnelle comme le stipule la définition citée plus haut.
Lors du retour du dernier voyage présidentiel aux Etats-Unis pour le Sommet USA-Afrique, Hery Rajaonarimampianina s’en est pris à l’ancien président exilé en Afrique du Sud Marc Ravalomanana. Ce dernier ne cesse d’intervenir auprès des autorités américaines et constitue un facteur de blocage dans la normalisation de la relation diplomatique entre les deux pays en se comportant comme le propriétaire de la première puissance mondiale, selon l’actuel Chef d’Etat. Hery Rajaonarimampianina a donc annoncé la couleur quant à la relation entre les deux hommes et par conséquent, il faut s’attendre à une autre réaction musclée de sa part bientôt. Mais on doute fort que le Président de la République et son équipe, Rivo Rakotovao ou encore Henry Rabary-Njaka, puissent prendre d’autre mesure que de garder au chaud le passeport de l’ancien Président. Certains observateurs pensent même que ces gars-là préfèrent s’attaquer à des « proies qu’ils croient faciles » que d’affronter les politiciens. D’où sûrement l’attitude de Jules Etienne, un membre du gouvernement, qui s’est permis de louvoyer ouvertement avec la famille Ravalomanana tout en promettant une indemnisation des pertes subies en 2009 par le groupe Tiko. Personne ne croirait qu’en procédant à ces déclarations d’intention largement médiatisées, ce ministre n’aurait pas eu la bénédiction du Chef suprême et du Chef de l’administration publique. D’où aussi la suggestion de certains analystes politiques, bien au courant des realpolitiks de notre pays, d’aller pêcher de ce côté pour trouver le remplaçant de l’actuel PDS d’Antananarivo puisque celui-ci aurait apparemment compris que le navire est en train de chavirer dangereusement. Du coup, le problème du futur candidat du parti au pouvoir pour les municipales de la ville d’Antananarivo serait résolu d’autant que la mouvance Ravalomanana et le HVM se seraient promis fidélité et éternité, sinon comment expliquer la présence des barons du Tim dans le gouvernement mais aussi dans le bureau permanent de l’Assemblée Nationale. Finalement donc, ce serait simplement une dispute entre amoureux et les coups de gueule et avertissement entendus du côté de Magro Behoririka et de l’aéroport d’Ivato ne sont que comédie et colère feinte. Le couple pourrait parfaitement marcher, d’ailleurs c’est bien le cas aujourd’hui, d’autant que du côté du parti au pouvoir, ils ont des acteurs« forts comme un homme », selon une autre chanson de Dalida, capables d’envoyer illico presto des journalistes en prison.
Jean Luc RAHAGA