Avertissement sans frais !
Le coup de sifflet pour l’ouverture de la campagne électorale pour les communales et municipales a retenti hier à 6h du matin. Evidemment, aucun signe n’est encore détecté nulle part à cette heure, même dans la Capitale de Madagascar où on a l’habitude de se réveiller assez tôt. Premières élections donc sous la quatrième République et elles sont de proximité. C’est d’autant bien vrai puisque la structure de l’administration publique la plus proche de la population reste les communes. Pour ce niveau, les dernières élections se sont tenues le 12 décembre 2007, soit le jour d’anniversaire de l’ancien président de la République qui, à ce moment-là, se croyait avoir toutes les forces possibles et au top de sa forme. En réalité, ce dernier voulait s’offrir un beau cadeau d’anniversaire : un nouveau mandat de 4 ans pour son poulain d’ancien directeur général de son groupe Tiko ! Mal lui en a pris parce que le jouet est devenu une grenade qui a pété entre les doigts et pire, lui a sectionné un … bras ! La colère du maître d’Iavoloha de l’époque n’avait pas de limites, par la suite et, justement, cela l’a mené à sa perte. Finalement, celui élu pour 4 ans est devenu l’homme fort du pays et a pu nommer à son aise son remplaçant pendant 5 ans de plus ! Soit donc le double du mandat initial.
Pour le premier jour de la campagne d’hier, on sent déjà que les élections de 2007 sont bien loin si on se réfère aux moyens de mise en œuvre octroyés pour l’organisation de celles-ci et apparemment, les doutes du groupe des experts nationaux semblent être vérifiés sur la question de la compétence réelle de l’institution organisatrice qu’est la Ceni-T. Si on prend l’exemple des panneaux d’affichage, beaucoup estiment qu’ils ne vont pas tenir durant les 15 jours de campagne. Déjà qu’ils sont faits de planches de très mauvaise qualité et pas séchées du tout, mais les panneaux sont rafistolés à la va-vite. Pour faire tenir le tout puisque d’une longueur de 12 mètres au minimum, on a pris de minces bois ronds et cela saute aux yeux que la Ceni-T fait du service minimum. Et justement c’est pour cette raison que cette institution ne peut mettre à la disposition des fokontany la liste électorale que deux jours avant la tenue des élections. Et les observateurs de remarquer que le délai est trop court pour que cette fameuse liste arrive dans les bureaux de vote des districts et communes éloignées. Il se pourrait donc cette fois-ci qu’on passe au vote sans qu’on sait qui sont les électeurs et évidemment, les candidats d’Etat sortiront vainqueurs du scrutin. C’est sûrement pourquoi aussi, on a créé des communes qui, selon les habitants des régions et/ou districts concernés, restent jusqu’ici imaginaires. D’ailleurs, beaucoup ne savent pas exactement le nombre réel des communes à Madagascar, soit un autre mystère à élucider !
Pour en revenir à cette histoire de panneaux d’affichage qui commence à faire couler beaucoup d’encre et montre effectivement l’incompétence de la Ceni-T, la majorité des Fokontany de la Capitale, voire même tous, n’en possèdent pas encore lors de la journée d’hier. Par contre, la sensibilisation pour la tenue des élections ainsi que l’explication de l’utilisation du bulletin unique font complètement défaut. D’où la remarque de la société civile en la qualifiant d’élections précipitées. Selon cette dernière, l’éducation citoyenne est largement insuffisante que la plupart des électeurs ne savent même pas pourquoi aller voter tout en remarquant que la plupart des candidats ne savent même pas les travaux qui les attendent.
Bref, des tonnes d’embûches mises par la Ceni-T mais concoctées par le régime actuel afin de faire un razzia et dans le but de mettre sous sa coupe la future chambre haute. Il est vrai que n’avoir proposé des candidats aux législatives, par conséquent n’avoir aucun député élu sous les couleurs du parti au pouvoir actuel, était une erreur monumentale que même un bleu en politique ne ferait jamais. Sauf un arriviste, bien sûr. On peut toujours profiter de l’ignorance des gens mais non indéfiniment et d’où ces révoltes populaires qui se produisent au moment où on ne l’attendait pas. C’était le cas en 1972 où Philibert Tsiranana venait de se faire élire à plus de 90% un an auparavant, en 1991 où Didier Ratsiraka a gagné les élections présidentielles de 1989 en un tour seulement, en 2002 où toutes les institutions de l’époque étaient entre les mains de l’Amiral rouge et surtout en 2009 où le Tim et Marc Ravalomanana estiment acquis à leur cause la population, l’armée et les bailleurs de fonds.
En somme, tous les problèmes viennent d’une élection et le peuple malgache tient à ce droit fondamental. Et pour la capitale de Madagascar, c’est encore plus clair : les électeurs savent d’avance qui ils vont élire et ils y tiennent. C’est toujours un avertissement sans frais et les anciens présidents de la République en savent quelque chose.
Jean Luc RAHAGA