Black eyes – Une filière à forte potentialité
Le black eyes est une des variétés de lojy (haricot sec) cultivées à Madagascar parmi les lojy mena, lojy fotsy, etc. Mieux connu sous le nom de niébé, le lojy est une légumineuse herbacée tropicale annuelle appartenant à l’espèce Vigna unguiculata. Le black eyes est une culture d’exportation. Son prix ne cesse d’augmenter. En 2011, le kilo pour la première qualité tourne autour de 1800 Ariary. Aujourd’hui, ce prix pourrait aller jusqu’à plus de 2500 Ariary le kilo. Pour la seconde qualité, son prix est passé de 1400 à 2000 Ariary dans la même période. Une étude fait par le programme Prosperer montre que cette filière a une forte potentialité.
On retrouve le black eyes dans le nord-ouest de Madagascar. Le bassin de production se situe entre les régions de Sofia (districts de Port-Bergé et Mampikony), de Boeny (partie sud-est de la région avec le district d’Ambato-Boeny) et de Betsiboka (à l’extrême nord), dans les zones de baiboho. Les baiboho sont caractéristiques des grandes plaines alluviales de la côte ouest. Ils ont une texture à dominance limoneuse (caractère battant), structure massive et poreuse à l’état humide.
Le black eyes cultivé à Madagascar est un hybride avec une génération F1 fertile. Les caractéristiques principales sont des pieds érigés d’environ un mètre et deux floraisons donnant des grains de grosse taille.
Les producteurs de black eyes ont en commun d’être tous orientés vers les cultures de rente. En fait, la majorité d’entre eux faisaient pousser auparavant du coton, du tabac ou encore du maïs. Ils peuvent cependant être séparés en trois groupes. La première distinction se fait au niveau de la mécanisation. Une minorité de producteurs de black eyes possède des tracteurs ou d’outillage agricole et la très grande majorité (environ 98% des producteurs) pratique une agriculture manuelle avec quelques étapes réalisées à l’aide de la traction animale. La seconde dichotomie s’effectue parmi le groupe des agriculteurs non mécanisés en fonction de leur capital financier. Les superficies cultivées sont un critère discriminant entre ces deux groupes du fait des coûts d’investissement nécessaires pour l’accès au foncier et la mise en place de la culture. Les petits producteurs manuels (estimé à 80% des producteurs totaux) ne cultivent pas plus de 3 ha de black eyes par an, tandis que les gros producteurs manuels peuvent atteindre jusqu’à 50 ha. Le black eyes est généralement l’activité principale des producteurs manuels. Les petits producteurs ont tendance à développer des activités économiques complémentaires (pêche, artisanat, vente, etc.) pour le financement de la culture et du foyer, alors que les grands producteurs manuels sont généralement spécialisés dans le black eyes et ne pratiquent plus d’autres types de culture. De plus, les petits producteurs sont moins susceptibles de maîtriser l’itinéraire technique que les deux autres groupes de producteurs.
Coût de production
Les agriculteurs embauchent une main d’œuvre abondante lors de la culture du black eyes et ce sont surtout le sarclage (70 hommes/jours) et la récolte (60 hommes/jours) qui nécessitent le plus grand nombre de journaliers afin de mener à bien l’itinéraire technique.
Les activités de semis, battage, vannage et tri sont souvent réalisées dans le cadre familial, et l’entraide (tambory) entre producteurs est généralement utilisée pour le labour et plus rarement pour la récolte.
Ce sont d’ailleurs la participation à des groupes d’entraide et l’utilisation de la main d’œuvre familiale qui permet au producteur de minimiser les coûts de production.
Le coût de production est compris entre 800 000 et 1 200 000 ariary par hectare cultivé selon la stratégie du producteur – entraide, propriétaire du terrain, etc. Le coût de production du kilo de black eyes commercialisé est directement corrélé au rendement obtenu par le producteur. Les rendements à l’hectare obtenus lors des enquêtes sont assez variables d’une personne à l’autre, pouvant aller du simple ou double. Cette forte variation du rendement peut s’expliquer par la qualité du sol cultivé, mais aussi la maîtrise de l’itinéraire technique par les producteurs et l’accès aux intrants (les dosages de produits phytosanitaires pratiquées – sous ou sur dosage – les semences utilisées et la densité de semis). On peut cependant situer un rendement moyen supérieur à 1,5 t/ha et allant vers les 2 t/ha. Ainsi, en fonction d’un bon ou un mauvais rendement (2t ou 1t, respectivement), les coûts de production au kilogramme varient entre 460 et 1 040 Ar/kg. Les enquêtes montrent que la majorité des petits producteurs arrivent à maintenir les coûts de production aux environs de 600 Ar/kg (entre 500 et 650 Ar/kg) grâce à des systèmes d’entraide et des rendements supérieurs à 1,5 t/ha.
Marché
Le black eyes produit est avant tout destiné à l’exportation. Il y a peu de consommation locale et le marché intérieur est pour l’instant inexistant. Il y a deux marchés étrangers distincts : un premier marché se trouve en Asie, avec l’Inde et le Pakistan, et un second en Occident, avec l’Union européenne (Ue), les États-Unis et quelques pays du pourtour méditerranéen. Une étude de Prosperer a montré que 55% du black eyes exporté du port de Majunga a été envoyé dans la région indo-pakistanaise et 40% sur le marché occidental (Ue). Si l’on se base sur les dires d’acteurs, l’exportation totale de black eyes en 2011 avoisine les 22 000 tonnes.
Ces deux marchés se distinguent par la qualité des produits qu’ils absorbent : le marché Ue est avant tout concerné par un produit de première qualité (nommé grade 1, soit 460-480 grains pour 100 grammes de produit) alors que le marché indien s’oriente sur le tout-venant, c’est-à-dire black eyes non calibré.
En ce qui concerne l’évolution de ces deux marchés, et bien qu’il soit encore un peu précoce pour préjuger de la stabilité de ces marchés au vu de la nouveauté de la filière, il est tout de même assez clair que le marché indo-pakistanais présente aujourd’hui une forte expansion et une certaine facilité d’accès alors que le marché Ue possède plus de barrières à l’entrée. L’importance numérique nouvelle des exportateurs indiens et pakistanais dans la filière, ajoutée à la détaxation des échanges entre l’Inde et Madagascar, induit une demande accrue en black eyes par ce marché asiatique. En revanche, le marché Ue, basé sur un produit de qualité auquel s’ajoute la concurrence du black eyes péruvien, estimé comme une des meilleures qualités mondiales, est moins facile à pénétrer pour les exportateurs malgaches dès lors que la production annuelle péruvienne est bonne. Enfin, il est aussi probable que se développe dans un futur proche une exportation de black eyes (et d’autres lojy) vers la Chine.
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