Savoir ne rien faire!
Les élections communales et municipales ont montré la limite du savoir-faire de l’institution chargée de son organisation. Rappelons d’abord que le chef de cette institution a été nommé à un poste hautement stratégique puisque ministre des Affaires étrangères, il y a maintenant 9 mois. Beaucoup pensent qu’il s’agit tout simplement d’un … « valim-babena » puisque l’élection de Hery Rajaonarimampianina à la tête de la Nation aurait été, selon les mauvaises langues, facilitée.
Lors de la journée des élections de proximité du vendredi 31 juillet dernier, les récriminations venant de partout ont vite atteint le ciel. Tôt dans la matinée par exemple, des bureaux de vote dans la circonscription électorale de Mananjary ont failli ne pas voir la lumière du jour à cause de bulletins uniques sans numéro de série. Rien qu’en comparant avec les élections présidentielles et législatives qui se sont tenues vers la fin de l’année 2013 où l’institution organisatrice et les candidats savent pertinemment les numéros de bulletins utilisés dans les différentes circonscriptions électorales, l’omission n’est pas comprise par les électeurs et traduit une volonté délibérée d’enlever toute possibilité de traçabilité. Cela peut tout simplement vouloir dire qu’on peut aisément intervertir les résultats dès le départ, c’est-à-dire, à l’intérieur même des bureaux de vote. Toujours sur la côte est de Madagascar mais pour la ville de Toamasina, des militants du parti au pouvoir ont fait la loi, sous le nez des membres du démembrement de la même institution, et ont refusé l’accès aux bureaux de vote aux autres délégués des candidats.
Pour les cartes électorales, elles ont fait couler beaucoup d’encre depuis des mois et beaucoup ont espéré une vigoureuse reprise en main. Mais cela n’a pas été du tout le cas, et au contraire, ce problème s’est singulièrement aggravé le jour du scrutin. Outre les cartes dont les noms, prénoms, date et lieu de naissance, et/ou adresse sont en partie ou en totalité faussés délibérément, des milliers d’autres personnes n’ont pas pu prendre part au vote pour différentes causes dont la provenance ne peut être amputée ni au fokontany, ni à l’administration territoriale, mais uniquement à l’institution censée avoir la capacité d’organiser ces élections communales et municipales. Dans certains endroits, il arrive que les cartes d’électeurs de personnes parfaitement inconnues, du propriétaire de la maison et du fokontany tout entier, aient échoué dans l’adresse d’un candidat ou encore dans des adresses qui n’existent pas du tout ! La Ceni-T voulait sûrement faire participer des fantômes à ces élections mais beaucoup estiment que le travail de saisie a été réalisé sans qu’aucune vérification n’ait été par la suite entamée.
Pour la liste électorale, la cacophonie est totale et les victimes se comptent aussi par dizaines de milliers dont le premier en tête est le candidat à la Mairie d’Antananarivo, Raniriharinosy Harimanana. Ce dernier est un enseignant-chercheur qui a travaillé au sein de l’Université d’Ankatso durant plusieurs décennies et selon son curriculum vitae, c’est un vrai Arema et surtout un ancien président du syndicat des enseignants-chercheurs de Madagascar. A coup sûr, il a vécu dans la ville des mille au moins ces trente dernières années et pour une fois que le professeur se porte candidat, on lui a omis de l’inscrire dans la liste électorale. Quelle bévue ! Pour certaines familles, la mère et les enfants majeurs ont pris part au vote, ce qui n’a pas été le cas du père. A croire qu’il y a des années, la mère a fait … des bébés toute seule. Mais l’inverse est aussi tout à fait vrai puisque seul le premier responsable de la famille a eu le droit d’accéder dans le bureau de vote. Et que dire des électeurs qui ont possédé deux cartes et si le nom, prénom, numéro de carte d’identité nationale, et adresse sont les mêmes sur les deux papiers, seul le numéro du bureau de vote a changé ! A Tuléar, les représentants de la Ceni-T étaient tombés des nues devant cette preuve flagrante de leur magouille et ont essayé d’apporter des justifications qui n’ont plus convaincu personne. Cette fois-ci, il ne s’agit plus d’incompétence.
Bref, c’était un vrai foutoir sur toute l’île et si on se référait aux diverses interprétations émanant de diverses personnalités et observateurs de la vie politique à Madagascar, il s’agit d’une des plus mauvaises organisations d’élections que le pays a connue en 55 ans de retour de l’indépendance, et même les Burundais ont fait largement mieux.
Jean Luc RAHAGA